Fanfics
- La bienveillance de la Montagne
- Complots
- Ma courte vie
- De l’eau à Prosperity Well
- La félonie du nuage
- Ken-Ō ou le prix de la reconstruction
- Le masque de la souffrance
- Un nuage se réveille
- Une offre que l’on ne peut refuser
- Le passé de Dulan
- Pères
- Petit frère
- Petite sœur
- Pour la musique
- Un seul être vous manque
- Le Silver Dôme
- Le tueur aux cheveux d’ange
- Un ami de Toki
- Les meilleurs ennemis
La bienveillance de la Montagne
Ce matin là, Fudō la Montagne s’était levé plus tôt qu’il en avait l’habitude. Il aimait pourtant dormir longuement, entouré de ces enfants, ces chers enfants qu’il chérissait comme la prunelle de ces yeux. Mais cette journée, si ordinaire qu’elle pu paraître, n’était en rien comparable à celles qu’il avait vécues auparavant. Certes, maître Fudō avait encore dû réparer les pieds de son lit (pour la quinzième fois ce mois-ci), et il s’apprêtait à partir pour aller porter de l’eau et des vivres dans un village voisin dont le puits était asséché. Cependant, une étrange impression taraudait mon maître depuis son réveil: il redoutait que le malheur s’abatte sur ces enfants. Il devait apporter sans délai ces provisions au village voisin, sans quoi de nombreux innocents allaient mourir de faim. Il se mit donc en route après m’avoir confié à moi, Kô, son lieutenant le plus dévoué, la garde de ces tendres petits.
Cela se produisit peu avant le retour de mon maître. Lorsqu’il rentrait les retrouver, ses enfants l’entendaient toujours à des kilomètres à la ronde, tant le vacarme tonitruant de ses pas pesants résonnait entre les cinq pics qui entouraient le village. Et cette fois-ci ne fit pas exception à la règle. Tous l’entendirent approcher. Tous se précipitèrent à sa rencontre pour le serrer dans leurs petits bras d’enfants. Tous sauf deux : Hiroshi et Sho. Ils n’avaient pu s’élancer à la rencontre de leur père chéri, l’homme qui les avait recueillis voilà de cela deux ans et s’efforçait depuis de leur offrir une existence aussi paisible et heureuse que possible dans ce monde que le feu nucléaire avait dévasté: la souffrance les avait cloués sur place et ils se tordaient à présent de douleur sur le sol poussiéreux. La sueur perlait sur leurs fronts et, à en juger par l’horrible grimace qui leur déformait les traits du visage, ils devaient endurer une douleur plus qu’insupportable pour leurs petits corps fragiles. Je n’étais pour ma part qu’un humble officier attaché à la personne de mon maître au sein de son armée et je ne disposais d’aucune connaissance médicale. Quand bien même cela aurait été le cas, les médicaments, ainsi que les plantes qui servaient encore à les fabriquer peu avant l’holocauste, avaient désormais pratiquement disparu de la surface de la Terre. On ne les trouvait plus qu’en quantités très réduites dans des lieux bien précis, et il fallait toujours les troquer contre des mois de nourriture ou des litres de carburant. Alors que ces pensées me traversaient l’esprit à une vitesse fulgurante, malgré la panique qui s’était emparée de moi face à ces deux enfants convulsés de douleur, un nom me vint aux lèvres : Medicine City. Il fallait absolument emmener Hiroshi et Sho là-bas de toute urgence, sans quoi ils étaient condamnés. Je faisais part de mon idée à mon maître, mais celui-ci m’assura que ses enfants seraient morts avant d’arriver à Medicine City. Maître Fudō était resté étonnamment calme face à ce spectacle. Bien que je pusse discerner une lueur d’inquiétude dans son regard, ce calme m’intriguait. Je connaissais trop bien maître Fudō pour imaginer ne serait-ce qu’un seul instant que le sort de ses enfants pu lui être indifférent. Comme je le pressentais, mon maître avait bien une idée en tête. Il n’y avait qu’un seul et unique moyen selon lui de sauver Hiroshi et Sho d’une mort certaine: nous devions nous rendre tous les quatre au village d’où mon maître venait de revenir. Sur le moment je ne compris pas les paroles sibyllines de maître Fudō, mais comme la vie de ces enfants était en jeu et que ma dévotion à son égard n’avait d’égal que celle qu’il témoignait à l’égard de son général, je lui obéis sans lui en demander davantage.
Lorsque nous arrivâmes tous les quatre dans ce village voisin, le soleil était au zénith. Nous avions parcouru très rapidement la distance qui nous séparait de notre destination et nous avions franchi sans difficulté aucune les collines qui entouraient le village L’état de Hiroshi et Sho empirait à vue d’œil. Cependant Hiroshi paraissait s’affaiblir plus rapidement que son frère. Face à la souffrance de ces enfants, mon maître avait affiché un sourire confiant, presque joyeux durant tout le voyage qui nous avait conduit ici. Je n’arrivais pas à m’expliquer cette quiétude si apaisante qui émanait de lui. Aussi loin que remontaient mes souvenirs, du jour où j’étais entré au service de mon maître, cette aura de quiétude l’avait toujours entouré. Mais je n’avais guère le temps de me laisser aller à mes réflexions: le temps jouait contre nous. Mon maître se hâta donc de nous conduire devant cet homme. C’est à ce moment-là seulement que je compris pourquoi maître Fudō avait insisté pour nous conduire précisément dans ce village.
L’homme était adossé au puits sur la place centrale du village, assis au milieu d’une foule qui se pressait autour de lui. Il était grand et semblait très robuste; sa musculature, plus développée que chez la moyenne des gens ordinaires, me portait à croire qu’il pratiquait les arts martiaux. Cependant, quelque chose m’intriguait dans son apparence : d’après sa physionomie, je ne lui aurais guère donné plus de 25 ans et pourtant, il semblait en avoir le double. N’eussent été les traits sereins et détendus de son visage, je me serais facilement laissé abuser. En effet, il portait la barbe, de longs cheveux gris lui poussaient jusqu’aux épaules et il toussait parfois…du sang. De toute évidence, il était malade… gravement malade. Mais son regard était empli de douceur, une douceur qu’il transmettait à tous ceux qui l’entouraient et qui lui donnait sans nul doute la force de résister à la maladie. Tous ces détails n’avaient certainement pas échappé à mon maître lorsqu’il était venu ce matin dans ce village et je comprenais maintenant pourquoi il tenait à ce que ce soit cet homme malade qui soigne ces enfants. En effet, la foule qui l’entourait était composée à une large majorité de malades et d’estropiés. Ils étaient fascinés par l’homme serein aux cheveux argentés: il semblait avoir un don particulier pour guérir toutes les personnes qu’il touchait. Peut-être était-ce lié au kung-fu, je ne saurais le dire, mais la musculature de cet homme, la finesse perceptible dans chacun de ses mouvements suscitaient chez mon maître une admiration profonde que seul un expert martial accompli pouvait lui inspirer.
Maître Fudō portait toujours Hiroshi et Sho dans les bras et nous avions réussi à fendre la foule pour nous approcher de l’homme. Quand il nous vit approcher mon maître et moi, il fit l’effort de se lever. Aussi s’adressa-t-il à mon maître en ses termes :
– “Je suis heureux de vous revoir. Vous êtes parti bien vite ce matin, à vrai dire, si vite que je n’ai pas eu le temps de vous remercier pour l’eau et la nourriture que vous avez apportées aux habitants de ce village.”
– “Vous savez, c’était tout à fait normal. Cette époque est très difficile à vivre et la souffrance des hommes m’est insupportable. Elle m’emplit le cœur de compassion et c’est avec le plus grand plaisir que je contribue à bâtir un monde meilleur pour ces hommes, ses femmes et ses enfants éprouvés par le destin. Cette ère de violence n’est pas celle que nous souhaitons pour eux. Ils sont la lumière éternelle de notre avenir, celle qui nous comble de joie. C’est bien pour cela que je suis venu vous voir. J’ai l’intime conviction, depuis que je vous ai rencontré, que vous êtes le seul homme en ce monde capable de sauver la vie de Hiroshi et Sho. Ce sont deux de mes enfants, sauvez-les je vous en prie.”
– “Je vais m’occuper d’eux ne vous en faite pas. C’est bien la moindre des choses après tout ce que vous avez fait pour nous.”
Maître Fudō posa ses enfants sur le sol. L’homme était sur le point de les toucher de ces doigts magiques lorsqu’il advint ce que nul n’avait prévu. Le ciel s’assombrit soudain et d’épais nuages voilèrent le grand soleil de midi. Un éclair déchira le ciel et s’abattit sur un arbre millénaire non loin du puits. Presque en même temps, nous vîmes surgir au sommet des collines qui environnaient le village une armée entière qui comptait apparemment dans ses rangs aussi bien les punks les plus vils que les soldats les mieux entraînés. Puis un autre homme apparut qui semblait à la tête de cette armée. Venu du Nord, il montait un immense destrier noir qui galopait inexorablement vers le village à une vitesse stupéfiante. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait du village, je pus distinguer la silhouette du cavalier. Il était démesurément grand, presque autant que mon maître, lequel n’avait pourtant pas son égal en la matière. Ses muscles puissants dénotaient un homme d’une force herculéenne. Un instant, je me risquai à le regarder dans les yeux. Je ne pus soutenir son regard si intense, j’eus l’impression pendant une fraction de secondes qu’il voyait en moi; son regard me traversait de part an part. Je fus saisi d’effroi en comprenant que cette sensation devait être celle qu’il avait inspirée à tous les hommes qui aujourd’hui le suivaient : la crainte. A un moment ou à un autre, il avait certainement enseigné la peur à chacun de ses hommes, qui n’avaient eu d’autre choix que de se soumettre pour éviter la mort. Ils semblaient tous déterminés à mourir pour leur chef; il devenait clair dans mon esprit qu’aucun d’eux ne céderait. Ils préféraient sans nul doute mourir en combattant plutôt que sous les coups de leur chef pour avoir fui le champ de bataille.
L’homme arriva tout près du puits, s’arrêta et descendit de cheval. C’est alors que je compris : ce n’était pas moi que l’homme à cheval avait fixé tout en s’approchant mais l’homme aux cheveux argentés à côté de qui je me tenais. L’homme venu du Nord fixa l’autre homme pendant quelques instants encore, puis ce dernier lui adressa la parole sans se départir de son calme:
– “Ainsi, tu es venu… mon frère…”
– “Oui… et tu repars avec moi, de gré ou de force.”
Lorsqu’il entendit ses mots, maître Fudō sursauta et vint s’interposer entre les deux hommes. Voulait-il empêcher un combat fratricide ? Il est vrai qu’en apparence tout séparait ces deux hommes: l’un était calme et serein et l’autre fougueux et impétueux. En un sens, ils ressemblaient tous deux à mon maître. L’un lui rappelait l’ogre féroce et violent qu’il avait été jadis, l’autre, l’étoile filante généreuse et compatissante qu’il était devenu il y a bien longtemps. Pour moi qui connaissais l’esprit de mon maître depuis toutes ces années passées à son service, il était facile de voir l’hésitation sur son visage. Le doute assombrissait ses yeux vert profond: l’instant crucial était arrivé pour mon maître. Il allait devoir choisir pour ses enfants entre la voie de l’ogre et celle de l’étoile. Pendant une fraction de seconde, je crus qu’il allait laisser libre court à sa colère, mais au lieu de cela il se tourna vers l’homme impétueux et lui dit:
– “C’est donc toi celui qui sème la terreur sur son passage… Tu as beaucoup grandi depuis notre dernière rencontre, tu es devenu très fort. Je ne tiens pas à me battre avec toi: s’il le faut, le destin en décidera bien assez tôt. Mais je jure que si tu ne laisses pas cet homme tranquille, tu devras me passer sur le corps avant de l’emmener.”
L’homme impétueux, visiblement irrité, était sur le point de répondre, mais l’autre homme lui coupa la parole :
– “Laisse-moi au moins soigner ses deux enfants. Ils sont très malades et si je n’interviens pas très vite, ils vont mourir. C’est tout ce que je te demande. Laisse-moi les soigner et je te suivrai où tu voudras sans opposer de résistance.”
A ce moment-là, son regard croisa celui de mon maître. Il avait bien du mal à accepter que l’homme aux cheveux argentés se plie à la perfidie du destin pour sauver ses enfants à lui, Fudō la Montagne. Mais il savait aussi que, par respect pour le sacrifice de cet homme et pour la lumière éternelle de son général, il ne devait pas mourir. Pas tout de suite en tout cas. Tout dépendrait maintenant de la réaction de l’homme impétueux. Il posa les yeux sur les enfants entendus sur le sol puis répondit:
– “Soigne-les. Ensuite nous partons.”
L’homme aux cheveux argentés s’agenouilla près de Hiroshi et Sho, les examina un instant, puis pressa leurs poitrines juste en dessous du sternum, d’une manière que je n’avais jamais vue auparavant. Leurs visages se détendirent. On pouvait voir qu’ils respiraient mieux, plus calmement. L’homme qui les avait soigné se releva et se tourna vers mon maître.
– “Ils sont sauvés, ne vous inquiétez plus pour eux. Quelques jours de repos et ils seront de nouveau sur pieds. Sho se rétablira probablement plus vite que Hiroshi: il semble plus vigoureux. Prenez bien soin d’eux.”
Mon maître acquiesça d’un signe de tête, puis l’homme aux cheveux argentés se tourna vers l’homme impétueux. Un sourire paisible aux lèvres, il lui dit:
– “Allons-y. Partons, mon frère.”
L’homme impétueux se remit en scelle et partit au galop vers son armée. L’homme aux cheveux argentés le suivit d’un pas assuré. Il paraissait confiant. Voyant leur chef revenir vers eux avec celui qu’il était venu chercher, les soldats qui encerclaient le village se remirent en route vers le Sud. Les deux hommes se fondirent bientôt dans cette immense masse mouvante. Puis l’armée disparut dans le lointain et les nuages qui avaient recouvert le ciel se fendirent pour laisser percer quelques rayons de soleil.
Nous étions maintenant seuls mon maître et moi à côté du puits, entourés par la foule de malades qui n’avaient pu être soignés. Eux aussi avaient assisté au spectacle, impuissants, trop faibles pour faire quoi que ce soit. Je relevai Hiroshi et Sho et me tournai vers maître Fudō pour lui demander de m’aider à les ramener à son village. Il avait certainement anticipé ma requête car avant même que j’ouvre la bouche, il m’ordonna de ramener les enfants au village sans lui. Intrigué, je lui demandai où il comptait se rendre. Il m’assura qu’il n’avait nullement l’intention de poursuivre l’armée qui venait de partir, mais qu’une tâche plus importante encore l’attendait. Il se devait d’intervenir sans plus attendre. Il l’avait compris en voyant cette armée partir vers le Sud. La route qui le séparait de sa destination était certes longue, mais s’il partait maintenant, il y serait au coucher du soleil: sa destinée l’appelait et il devait répondre à cet appel. C’est pourquoi je n’insistai pas une seconde et lui obéis. Je pris la direction du village, emmenant avec moi Hiroshi et Sho. Maître Fudō me lança un dernier regard d’encouragement, puis, lentement, calmement, la Montagne se mit en mouvement… vers le Sud… toujours vers le Sud.
Complots
Mes indicateurs m’ont rapporté l’existence d’un commerce en ruines dans la vitrine duquel, dit-on, serait exposée une robe de mariée encore intacte, pareille à celles que portaient les femmes d’avant la Guerre. Vous savez sans doute bien mieux que moi combien notre Souverain ne pardonnerait pas l’omission d’un trésor de pareille valeur à ses yeux ? L’expansion des frontières du royaume peut bien souffrir un léger délais…
À la grande surprise de Joker, le Valet de pique s’était avéré infiniment plus difficile à convaincre que ses acolytes, tous trois beaucoup trop crédules pour leur propre bien. L’intelligence de Spade ne le démarquait pourtant pas spécialement de ses pairs. Du moins, pas de manière suffisamment flagrante pour que l’espion personnel du Souverain envisage de recourir à tout le talent dont il savait faire preuve dans l’exercice d’un art parmi les plus subtils : celui de la manipulation à grande échelle.
Et pourtant, il avait dû déployer des prodiges d’imagination afin de s’acquitter d’une insignifiante étape au sein du complot le plus minutieusement orchestré qui soit, auquel les suspicions quasi-paranoïaques de Spade avaient apporté la part de satisfaction personnelle qui avait jusqu’alors tant fait défaut à Joker : celle de transcender ses dispositions naturelles pour le mensonge et la supercherie.
Son stratagème était simple dans l’objectif, mais incroyablement obscur dans les multiples ramifications dont il tirait les invisibles ficelles. Aveuglé par l’amour irrationnel qu’il portait à Yuria, Shin n’opposerait aucune résistance à sa mégalomanie latente. Il ne manquait au fusil de l’intrigue que le doigt pour actionner la gâchette, un rôle que sa haine à l’encontre de Kenshiro et son goût nettement prononcé pour les armes à feu prédestinaient à Jagi, humour d’espion oblige.
Joker avait donc prudemment entretenu le Défiguré du Hokuto au sujet d’une soi-disant vengeance qu’il souhaitait prendre sur le “successeur par imposture” de l’Art létal suprême, prenant soin de suffisamment qualifier ses motivations de mystérieuses pour que son pion ne soit pas tenté de poser des questions par trop embarrassantes. Jagi ne s’était pas fait prier, et avait ainsi offert à Joker l’immunité dont il avait besoin pour gagner par la suite la confiance de Shin, que les sentiments aveugles empêcheraient de soupçonner l’œuvre de son espion personnel derrière les propos enflammés de l’homme sans visage. Le futur Souverain de Southern Cross s’était également très vite laissé convaincre par l’aîné de Kenshiro de ravir à ce dernier une fiancée que sa faiblesse et sa sensiblerie chroniques empêcheraient de protéger comme il se devait.
Et tout s’était déroulé de l’exacte façon dont Joker l’avait souhaité : conforté par Jagi dans son sentiment d’être la seule personne en mesure de rendre Yuria heureuse, Shin l’avait arrachée aux mains de son rival, le laissant pour mort, le torse balafré de sept plaies. Joker avait d’ailleurs éprouvé toutes les peines du monde à soigner Kenshiro de ses blessures mortelles, mais il était vital au Projet que le successeur du Hokuto survive à cette défaite et se nourrisse de son amour pour Yuria et de son obsession à la libérer de son geôlier pour renforcer tant son corps que son esprit : la personne que servait réellement l’espion personnel du Souverain aurait, un jour ou l’autre, grandement besoin de ses impitoyables dispositions à l’assassinat furtif.
Comme prévu, Shin avait remporté une victoire sans appel : Kenshiro mettrait du temps à s’en relever, même après sa convalescence. Retarder l’échéance de leur seconde et dernière rencontre était de toute façon une absolue nécessité : les chances qu’avaient le successeur du Hokuto de l’emporter sur son ami de jadis augmentaient de façon directement proportionnelle à l’intensité de sa colère latente. Aussi, Joker avait dû s’assurer personnellement que sa soif inextinguible de vengeance ne le pousserait pas à retrouver Shin trop prématurément. Yuria elle-même ne comptait plus les nuits où son geôlier l’avait précipitamment tirée de son sommeil pour fuir en toute hâte les lieux de leur dernière retraite sur les recommandations bien informées de son espion personnel. Celui-ci avait même dû faire plusieurs fois obstacle de son propre corps à la traque implacable de Kenshiro, et ne devait la vie sauve qu’à ses aptitudes proprement surnaturelles à s’évader, probablement héritées de son talentueux passé de prestidigitateur.
Ce délai servait au mieux les intérêts de Joker, qui le mit à profit pour conduire à bien la multitude d’intrigues corrélatives au Projet. L’aide précieuse qu’il avait fournie au futur Souverain de Southern Cross en lui permettant d’échapper aux velléités de son poursuivant l’avait investit de toute sa confiance : c’était plus qu’il n’en fallait à Joker pour qu’il soit en mesure de juguler les ambitions politiques de Raō…
Jùza/Ma3va
Ma courte vie
Voici plusieurs mois que j’habite dans ce petit village. Une sorte de refuge paisible entouré de ce désert mortel et implacable. Mon nom est Dulan, je suis médecin, enfin, jusqu’au jour où mon passé m’a rattrapé. C’était une journée comme les autres lorsque tout a coup des bruits de moteur ont attiré mon attention. Les guerriers ou devrais-je dire paysans courageux, ont appréhendé un étranger mystérieux accompagné d’enfants, en lui tentant une embuscade.
Un homme accompagné d’un garçon et d’une petite fille, pourrait-il être hostile à ce point pour l’attaquer de la sorte ? En tout cas je me suis interposé avant qu’il ne soit trop tard, malgré les menaces de mes compagnons. Le petit malentendu réglé et les présentations faites, j’invitais cet homme à passer la nuit dans notre village.
Le lendemain se passa paisiblement comme la veille si ce n’est que le père, assez fragile, d’une fillette, retomba malade. Ce qui impliqua un traitement d’urgence sur place. Tout mal étant écarté, je recommandais à la fillette, se nommant Kanah, un remède à base de plante. Le reste de la journée se passa aux champs et, à la pause, je fis encore sensation auprès des enfants avec mes dons de jonglerie. J’invitais même la petite Lin à se joindre aux autres. Ah… qu’il est agréable de voir leur regard émerveillé devant tant de choses simples, je suis content de leur faire oublier, ne serait ce que quelques instants, toute cette souffrance de ce monde horrible et cruel.
Le soir venu, je prenais congé de nos nouveaux invités. Apres une petite lecture, j’entreprenais de me coucher, lorsque, deux hommes firent irruptions dans ma chambre. Oh non, pas eux. Je n’en croyais pas mes yeux. Ils m’avaient retrouvé. Mes anciens “amis de route”, commencèrent par une série de moquerie concernant ma nouvelle vie. Une trahison pour à leur yeux. Tous mes efforts pour leur faire comprendre que je ne suis plus le brigand d’antan ont été vains. Ils m’ont annoncé que je ne pourrais me sortir de cet engrenage que par un seul moyen, tuer l ‘étranger arrivé hier, sinon, je pouvais dire adieu au village, ses habitants, et ma misérable vie. Sur ces dernières paroles, il repartirent en me laissant un présent empoisonné.
Encore un de leur chantage odieux. Que faire ? Me répétais-je sans cesse. Tant pis, je ne peux plus supporter ce passé de voyou. Je vais tuer l’étranger et tout sera fini.
Je suis sorti rapidement dehors et je commençais à rependre la poudre que m’avaient offert mes visiteurs nocturnes, tout autour de leur demeure. Une faille dans la palissade me permis d’entrevoir la petite Lin… Quel regard si doux… Je restais à la regarder, bouche bée, oubliant l’atroce besogne que j’avais commencée. Je fus tiré soudainement de mes rêveries par la petite Kanah, me demandant curieusement ce que je pouvais bien faire à une heure pareille dehors. Je bredouillais un “rien de spécial” et lui lançais aussitôt la même question. Elle me remercia une nouvelle fois pour ce que j’avais fait pour son père, puis fut embarrassée. Un peu d’insistance de ma part et elle m’avoua, avec un visage aussi rouge qu’une tomate, vouloir se marier avec moi quand elle sera grande. A la suite de ces mignonnes paroles, elle courut comme une dératée. Ah les enfants soupirais-je.
Le surlendemain, j’allais à la rencontre de l’étranger pour lui demander de m’accompagner. Je prétextais un besoin d’aller chercher des plantes tout en haut du volcan de la région. Nous partîmes aussitôt. Arrivé sur les berges du volcan, tout se passa très vite. Je perdis pied et tomba droit dans le trou, sauvé in extremis par l’étranger. Je profitais de sa position incertaine pour le faire tomber à mon tour en allumant une mèche que j’avais préparée. L’explosion fut terrible. Je fut remonté par mon ancien chef, Mr Dante qui avait sûrement épié mes faits et gestes depuis un bout de temps. Il me remercia d’avoir supprimé l’homme aux sept cicatrices. Je me sentais un peu libéré malgré le meurtre que je venais de commettre.
Malheureusement pour moi, je me suis aperçu lorsque la fumée s’est dissipée, que l’étranger était encore en vie et remonta la pente à une vitesse surhumaine, esquivant les énormes rochers lancés à son encontre par les sbires de Mr Dante.
Je n’eus pas le temps de m’expliquer lorsqu’il me demanda le pourquoi de tels agissements, que Kanah arriva en courant pour m’annoncer une mauvaise nouvelle, son père avait rechuté. Me raisonnant, j’oubliais Mr Dante, ses hommes affreux, et me lança à son secours. Je fus mortellement blessé dans le dos, chose facile pour des hommes aussi lâches et vils qu’eux.
.. Ma vue se trouble… je serre Kanah dans mes bras… mes forces me quittent… P.. pardon…
De l’eau à Prosperity Well
Z-666 fit jouer l’accélérateur de son véhicule afin d’attirer l’attention de ses hommes, lesquels mirent immédiatement un terme au vacarme abrutissant de leurs braillements discordants : leur leader ne parlait presque jamais, aussi leur était-il facile de comprendre que, lorsqu’il confirmait la règle de son mutisme par l’exception d’un briefing, il était préférable de ne pas exiger de lui une quelconque forme de patience. Tous se turent donc comme un seul homme pour lui prêter l’oreille ? exception faite de Vyper, dont les gloussements sporadiques, symptomatiques de sa schizophrénie aggravée, étaient toutefois tolérés par un Z parfaitement conscient des troubles mentaux de sa dernière recrue. À présent que l’ensemble de ses membres se tenait devant lui, le géant ne pouvait réprimer un sentiment de fierté nettement prononcé : pour sûr, son gang n’était pas celui du Kantô dont l’importance se traduisait en termes d’effectifs. Néanmoins, il compensait largement cette infériorité numérique par les qualités individuelles de ses hommes. Et même si Z-666 mettait une attention toute particulière à soigneusement sélectionner chacune de ses recrues, certaines avaient malgré tout sa préférence.
C’était le cas de Butcher assis sur la selle de son véhicule à lécher le tranchant de sa hache. Son surnom, quoiqu’il fasse référence aux stéréotypes classiques d’un cinéma d’épouvante aujourd’hui disparu et bien qu’il ne soit pas sans cruellement manquer d’originalité, n’était en rien usurpé : la sauvagerie barbare avec laquelle il s’acharnait sur quiconque passait à portée de son arme lui avait forgé une réputation telle que, même au sein du gang, ses compagnons préféraient respecter un périmètre de sécurité d’une bonne dizaine de mètres au moins.
Toutefois, la renommée du Boucher, toute terrifiante qu’elle fût, n’égalait en rien celle de Scourge, dont le surnom de Fléau tenait plus de l’euphémisme que d’autre chose : autant le reste des gangers, uni par la nécessité commune de trouver eau et vivres, prenait parfois un indéniable plaisir à tuer, autant lui s’était fait la spécialité de viols tellement malsains que même leur leader préférait éviter d’en parler. Quoique vivement désapprouvées par certains de ses acolytes les plus modérés, les séances de tortures sexuelles auxquelles il se livrait étaient tellement effroyables que nombre de petits villages avaient été ni plus ni moins désertés par leurs habitants à la seule annonce de l’arrivée du gang.
Konrad, quant à lui, ne se distinguait nullement de ses comparses par la recherche d’une quelconque forme de sauvagerie plus poussée encore : la raison pour laquelle Z-666 l’avait accepté comme l’un de ses hommes tenait au fait qu’il était capable de véritables prodiges en ne se servant que de ses seules mains. Mécanicien attitré du groupe, c’était à lui que les autres gangers devaient les pointes de vitesses qu’atteignaient leurs véhicules ainsi que l’utilisation d’un arsenal à la technologie d’un autre âge.
Dans le quatuor de tête venait enfin Vyper. Quoique étant le dernier arrivé au sein du gang et bien que lourdement affecté par une pathologie plus incurable encore qu’avant la guerre nucléaire, il semblait doué d’un talent quasi-paranormal pour pressentir le danger peu de temps avant que celui-ci ne survienne. Z lui-même avait été forcé de croire à une quelconque forme de magie lorsque, à l’occasion de leur première rencontre, il avait vu de ses yeux le pauvre bougre lutter de toute sa volonté pour que l’une de ses multiples personnalités en laisse à une autre la force d’émettre un piaillement craintif, lequel avait empêché le colosse de déclencher le piège que les péons du village qu’ils assaillaient avaient soigneusement dissimulé sous la glaise qui dessinait les contours de leur puits. Incapable de laisser son sauveur moisir dans les ruines de cette ancienne métropole, il lui avait proposé de rejoindre ses rangs et avait préféré interpréter les gestes cabalistiques de ses mains comme une réponse affirmative. Depuis son intégration au gang, le don surnaturel de Vyper s’était manifesté à plusieurs reprises : frelon du désert logé dans une gourde, pneu menaçant de crever, sables mouvants…
Flanqué de tels hommes, le punk géant n’allait avoir aucun mal à piller le village que sa première patrouille de scouts venait de localiser : une petite bourgade que les habitants avaient construite autours d’une source d’eau potable qui en rendait la terre, habituellement stérile, tout à fait cultivable et, de surcroît, particulièrement riche en récoltes de pommes de terre. Bien organisés, les péons avaient mis sur pieds une milice de défense. Néanmoins, d’après les dires des éclaireurs, il ne s’agissait que d’un groupe d’amateurs mal équipé et peu versé dans le combat, ils avaient dû intervenir à plus de huit pour neutraliser un voleur d’eau visiblement diminué et incapable d’opposer la moindre tentative de résistance. C’était là une aubaine dont Z-666 se réjouissait au plus haut point, surtout après la perte dramatique de sa seconde escouade de scouts dans des circonstances mystérieuses qui n’auguraient rien de bon. Levant son bras pour esquisser le signe caractéristique de l’unique ordre qu’il avait besoin de donner à ses hommes, il pointa sèchement la main en direction d’une dune de sable, et initia le raid par ces seuls mots :
De l’eau… De l’eau à Prosperity Well !!!
Jùza / Ma3va
La félonie du Nuage
Jūza ajusta ses lunettes protectrices afin de s’assurer que le sable ne filtrerait pas à travers une éventuelle aspérité, car la radioactivité ambiante en rendait le moindre grain excessivement dangereux pour les yeux. La tempête sévissait depuis maintenant plus de deux jours, et rien n’indiquait une imminente accalmie. À dire vrai, elle me semblait encore plus déchaînée ce matin, au point que nous étions tous dans l’impossibilité d’évaluer l’heure approximative de la journée. Mes trois compagnons et moi-même avions l’habitude des sandstorms, ces phénomènes climatiques dévastateurs, caractéristiques de l’immense désert stérile qu’était devenue la Terre après le New Bang, et dont on disait qu’ils pouvaient dépecer un veau de bonne carrure en moins de quatre minutes. Aussi nous étions-nous immédiatement réfugiés dans les ruines de ce qui, jadis, avait probablement été un orphelinat dès les premiers signes annonciateurs de ce péril que nous ne connaissions que trop bien. Jūza, lui, avait dressé sa tente à l’abris d’un pan de mur dont il prétendait qu’une brise aussi insignifiante ne l’inquiéterait pas le moins du monde.
Speed dévisageait le Nuage d’un regard hargneux, et je ne pouvais m’empêcher de le comprendre : il avait perdu son frère dans une sandstorm à l’âge de sept ans, et voir ce bellâtre se pavaner en ignorant ses mises en garde d’un silence qui trahissait son mépris, c’en était trop. Hayate y voyait une insulte à la mémoire de son meilleur ami, et ni Speed, ni Sola ne le contredirait sur ce point. Pour ma part, je ne pouvais m’empêcher d’admirer Jūza, assis en tailleur, les bras croisés, au beau milieu de ce maelström infernal : quelque chose dans son apparente impassibilité trahissait sa profonde impatience, et je savais que, malgré sa posture, qui n’était pas sans rappeler celle d’un quelconque héros de nos mythologies aujourd’hui disparues, il était parcouru d’une colère dont l’intensité, que je devinais, parvenais à me faire oublier le hurlement sourd de la tempête. Et, quoique Sola ait pu en dire, je soupçonnais que cette tension latente ne trouve pas son origine dans les innombrables passades amoureuses dont la sandstorm privait le Nuage. C’était plus subtil. Que ce soit celle du Kami qui avait levé ce tourbillon de sable, ou celle des pauvres péons que nous étions, et qui avions dû supplier cet homme de nous aider, Jūza n’appréciait guère qu’une volonté autre que la sienne ne décide à sa place de la suite des événements.
Depuis bientôt une semaine, mes trois compagnons, notre mercenaire, et moi-même suivions la piste d’une escouade de Rapatrieurs, des hommes à la solde d’un certain Yuda, dont la mission consistait à enlever toute femme susceptible de plaire à leur suzerain et d’officier à sa cour. Yoko, la belle-soeur de Speed et veuve de son frère, s’était imprudemment aventurée dans les Grandes Steppes au nord de notre village, et avait eut le malheur d’y croiser la folle course de ces barbares chasseurs de beauté. Alors que l’aïeul lui-même semblait renoncer à tenter quoique ce soit pour la libérer de la vie d’esclavage à laquelle elle était promise, seuls cinq des nôtres se portèrent volontaires pour organiser un raid contre l’escouade des Rapatrieurs : Sola, membre influent du Conseil de notre bourgade, en avait eut l’idée, qu’il soumit à Speed, en sachant pertinemment qu’il l’accepterait sans la moindre hésitation. Hayate, notre barman, ainsi que Johner et moi-même, tous deux membres de la milice de défense du village, nous joignirent à leur cause. Quoi que nous fussions fermement résolus à extirper Yoko des mains de ces charognards, notre lucidité nous empêchait d’espérer mener à bien notre opération : les hommes de Yuda, comme tous les gangers qui écument les Grandes Steppes, nous étaient physiquement supérieurs, et ils avaient à leur disposition des armes contre lesquelles nos lances rouillées et nos haches mal aiguisées ne tiendraient pas longtemps avant de voler en éclats.
Est-ce le destin qui, pour une fois, jouait en faveur de ceux qu’il avait jusqu’alors opprimés ? Ou tout simplement la chance, qui nous souriait pour la première fois depuis bien longtemps… Toujours est-il que, le lendemain, alors que l’équipe de sauvetage s’apprêtait à partir, un marchand des deux saisons ambulant frappait aux portes du village : trois jours auparavant, un homme avait pillé son commerce, volé son âne, et enlevé sa fille aînée, qui devait se marier une fois de retour à leur ville natale. Despair Haven était la seule communauté sédentaire établie à moins de 1.500 cordes de bétail des Grandes Steppes : nul doute n’était donc permis quant au refuge qu’avait choisi le vandale. Notre politique avait toujours été de ne jamais nous impliquer là oū nos intérêts n’étaient pas directement exposés, aussi, devant les menaces que proférait le nomade de couper notre village en eau et vivres, nous n’avions vu aucune objection à ce qu’il se fasse lui-même justice. Hayate avait immédiatement identifié l’homme que recherchait le commerçant spolié : un bellâtre dont le goût immodéré pour les rares boissons alcoolisées ayant survécu au New Bang expliquait qu’on le retrouve perpétuellement accoudé à son établissement depuis deux jours, rabâchant du matin au soir certain déboire sentimental qu’une quelconque demi-soeur, du nom de Yulia, lui aurait causé dans ses jeunes années. S’étant engagé à ne pas détériorer le bar, le marchand y était entré, armé de son fouet à bestiaux et d’une indéfectible résolution à faire payer la presque faillite de son commerce à son insouciant malfaiteur.
La rixe fut brève : l’arme claqua une seule fois, une chaise se renversa, et un cri inhumain glaça d’effroi le petit attroupement qui s’était réuni aux abords de l’établissement. L’instant d’après, l’homme que recherchait le marchand des deux saisons s’extirpait du bar, le visage ensanglanté, tenant à peine sur ses jambes, sans que nous ne sachions si les difficultés qu’il éprouvait à se maintenir debout étaient le fait du coup qu’il avait reçu au crâne ou d’un récent tête-à-tête avec la bière de champignons des sables que lui servait Hayate depuis son arrivée au village. Cette dernière hypothèse nous parut subitement beaucoup plus crédible lorsque nous comprîmes que le sang qui ruisselait sur sa tempe n’était pas le sien, mais bel et bien celui du bras qu’il brandissait de sa main gauche, lequel n’avait pas encore relâché son étreinte sur le fouet à bestiaux de son infortuné propriétaire.
Pourquoi Jūza avait-il accepté de nous aider à libérer Yoko des Rapatrieurs ? À en juger par le comportement individualiste qu’il avait affiché tout au long de cette semaine, j’avais peine à croire que les motivations d’une poignée de culs-terreux, aussi nobles fussent-elles, puissent l’émouvoir : il ne dormait pas à moins de quinze cordées de notre campement, ne partageait ni eau, ni vivres avec nous… Quant à nous adresser la parole, j’imagine qu’il économisait sa salive pour se plaindre du temps que nous lui faisions perdre à chaque halte que nous marquions : la phrase pour laquelle il avait sacrifié le plus grand nombre de mots nous avait fait comprendre que, sans le fardeau que nous représentions, Yoko aurait été libérée avant même que nous puissions tracer les kanji de son nom dans le sable. J’imagine que l’antipathie condescendante avec laquelle il nous traitait avait poussé Johner à lui rendre visite, la quatrième nuit de notre poursuite.
Pendant un mois, Johner et moi avions été affectés à la garde nocturne de Despair Haven : j’avais partagé avec lui tout ce que deux amis d’enfance peuvent connaître l’un de l’autre, alors que nous ne nous étions rencontrés que trente jours auparavant. Il me semble que le désespoir latent dans lequel le monde avait été plongé avec le New Bang s’était accompagné d’une facilitation presque excessive des rapports humains, comme si nous devions confier l’insignifiante histoire de notre vie à quelqu’un avant que celle-ci ne s’achève, ce qui était monnaie courante en ces temps barbares. Johner allait me manquer. Le Nuage, qui était la dernière personne à lui avoir adressé la parole – si l’on peut dire – de son vivant, avait daigné nous aboyer que mon co-milicien s’était enfui cette nuit-là. Aucun de nous trois ne l’avaient cru, mais, plus lâches que suicidaires, et, je l’avoue, parce que nous avions davantage besoin des talents martiaux de notre mercenaire que de soulager ce qu’il nous restait de conscience, nous avions préféré offrir à Johner une sépulture décente plutôt que de tenter une illusoire vengeance sur son assassin présumé.
Peut-être lui avait-il parlé de cette Yuria que Jūza mentionnait jusque dans ses cauchemars… En repensant à la disparition de mon ami, et aux motivations qui avaient très probablement poussé notre compagnon d’armes à se débarrasser de lui, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer quelles étaient les pensées de ce dernier, assis seul au beau milieu de la Sandstorm, sans personne d’autre que lui-même à qui se confier. Nul doute que cette Yuria y occupait une place de choix, et bien que je ne puisse voir ses yeux à travers les lunettes protectrices qui les recouvraient, je savais qu’ils avaient à coup sûr la même expression que celle dont j’avais fugitivement été le témoin la veille. Dire qu’en ce très bref instant j’avais éprouvé de la pitié pour Jūza serait exagéré. Nous savions qu’il avait tué Johner : il le savait, et nous savions ceci également. Néanmoins, je n’avais pu réprimer un infime pincement au cœur à la vue d’un tel regard : ses yeux, dont je n’avais jamais remarqué la couleur jusqu’à présent, étaient teintés d’un vert presque transparent qui, bien loin de refléter un quelconque sentiment d’espoir, trahissait sa profonde mélancolie. La façon avec laquelle il fixait l’horizon me laissait penser qu’en ce moment précis, il se sentait vide : pas uniquement lui, mais toute sa vie, et tout ce qu’il avait pu accomplir jusqu’à ce jour. Le léger froncement de son sourcil gauche ajoutait encore à sa pathétique expression : le seul mot qu’elle semblait renvoyer était “Pourquoi ?”. Jamais, au cours de ma vie, je n’avais cru pareille tristesse possible, et surtout, jamais je n’aurai pensé qu’un simple regard suffise à l’exprimer. À dire vrai, mon impression était que, s’il ouvrait la bouche pour parler, Jūza n’aurait été capable que d’un soupir dont l’intensité aurait, assez paradoxalement, surpassé celle de n’importe quel cri de souffrance. À ce moment-là, et à ce moment-là seulement, j’ai compris qu’il n’aurait jamais accepté de nous aider si la personne à secourir n’avait pas été une femme. Et je savais pourquoi…
Enfin, après ce qui me parut être une éternité, la sandstorm diminua en intensité : quelques bourrasques ensablées menaçaient toujours de nous lacérer les chairs avant même que nous ne nous en apercevions, mais rien qui ne puisse inquiéter des hommes pour qui le désert était un second foyer, et qui, de surcroît, avaient encore moins à perdre que les autres. Profitant de ce délai que daignait nous accorder un climat habituellement capricieux, Sola sauta dans le buggy et s’apprêta à lancer le moteur quand, surgit de nulle part, Jūza lui empoigna le bras, le contraignant par la douleur à lâcher la clé de contact. Interdits, Hayate et moi-même avions saisi le manche de nos haches : quelle qu’elle soit, la dernière lubie du Nuage ne s’assouvirait pas au prix de la vie de notre seul et unique conducteur. Le temps sembla se figer : Jūza, tenant toujours son otage à portée de coup, nous dévisageait d’un regard glacial dans lequel je pouvais lire toute la haine et le mépris qu’il éprouvait pour les gens de notre condition. Tous “bouseux” que nous fûmes, ni moi, ni Hayate ne relâchions notre étreinte de nos armes. J’imagine que ce face-à-face aurait pu durer longtemps encore si Speed, revenu de sa mission de reconnaissance, n’y avait pas mis un terme en nous apprenant ce que nous n’osions plus espérer : les tortionnaires de Yoko avaient été surpris par la sandstorm, et leur véhicule était immobilisé en contrebas d’une dune voisine. Hébété par ce providentiel retournement de situation, je laissai tomber ma hache, et observai mes camarades se préparer au combat, quant j’aperçu le visage du Nuage qui, à ma plus grande stupéfaction encore, arborait un sourire presque chaleureux. Voulait-il me signifier par là qu’il avait entendu les braillements des Rapatrieurs avant même que Speed ne nous en avertisse ? Avec un mélange de crainte et d’admiration, je redoutais que la réponse à cette énigmatique jovialité ne soit que trop affirmative.
Surplombant l’ennemi sans qu’il ne puisse nous voir, nous nous délections de l’impasse dans laquelle sa bêtise l’avait conduit. Leur camionnette était couchée sur le flanc, à moitié recouverte par les projections de sable de la sandstorm. Quant aux deux motocyclistes, ils pleuraient encore la perte du side-car qu’ils avaient amoureusement décoré des symboles les plus obscènes et des couleurs les plus criardes. Il me sembla même distinguer les bottes du troisième de ces stupides barbares, que la tempête avait manifestement complètement enseveli, et je ne pu réprimer une silencieuse jubilation à l’idée que ce charognard avait payé le prix fort pour ses crimes. Les cris de Yoko vinrent soulager nos inquiétudes de la retrouver morte dans l’accident ; le plus dur restait à faire : la sauver des mains de ses ravisseurs. Galvanisé par l’infortune des Rapatrieurs, Speed empoigna son arme à deux mains, et se releva de la position de reptation que nous avions tous adoptés. J’eus à peine le temps de remarquer que Jūza manquait à l’appel avant que le corps de notre ami ne retombe lourdement sur le sol qu’il venait de quitter, une lance lui traversant la tête de part en part : une de ces ordures nous avait repérés, et, agissant comme à leur habitude, nous avait pris à revers. Plusieurs fois déjà, j’avais vu la mort de beaucoup plus près que je ne l’aurais souhaité en temps normal : malgré toute l’estime que j’avais pour lui, mon propre instinct de survie me déconseillait vivement de rester m’apitoyer sur l’infortune de Speed. À la force des bras, je me hissai par-delà le rebord de la dune, et me laissai tomber vers les gangers hilares. Aussi brève fut-elle, ma chute me laissa le temps de comprendre deux choses : premièrement, à entendre leurs gloussements hystériques, il me paraissait évident que les Rapatrieurs avaient compris que nous les traquions. La vision fugitive de ce que j’avais pris pour le corps du troisième d’entre eux se levant de sa prétendue sépulture me confirma que nous étions bel et bien tombés dans une embuscade. La seconde, c’est que Sola n’aurait pas le temps de le comprendre : dans un excès de bravoure qu’il aurait pourtant déconseillé aux villageois de Despair Haven, il était resté affronter l’assassin de Speed, un combat inégal dont l’issue me fut bien vite révélée par un cri plus bestial qu’humain.
Ma chute fut stoppée par la roue de secours de la camionnette. J’étais désormais le seul à pouvoir sauver Yoko, bien qu’elle ait eut à peu près les mêmes chances d’en faire autant avec moi. J’étais cerné : en haut de la dune, le meurtrier de mes deux compagnons brandissait la tête de sa dernière victime tout en léchant le tranchant de son sabre. À ma gauche et derrière moi, ses deux acolytes m’assourdissaient de leurs hurlements démentiels : j’étais telle la proie face à ses prédateurs. Quoique… Non, la comparaison était inappropriée : même les fauves ne tuaient que par nécessité. Dans ma panique, je scrutai les alentours immédiats à la recherche d’une miraculeuse échappatoire, craignant par là même de devoir croiser le regard de Yoko et affronter ainsi l’infini désespoir que je ne manquerais pas d’y lire. Ne la voyant pas, je me plu à espérer qu’elle était parvenue à s’enfuir : au moins notre désastreuse expédition aurait-elle, tant bien que mal, porté ses fruits, même si le tribut qu’elle avait prélevé dans nos rangs me paraissait fort élevé. Je m’apprêtai à cesser toute résistance quand, à ma grande surprise, je vis mes trois assaillant détourner le regard sur la droite : un bruit avait attiré leur attention. Un bruit que j’aurais reconnu entre mille : le vacarme caractéristique du moteur de notre buggy. Jūza était au volant, et l’espoir me parut à nouveau permis. Ma déception n’en fut que plus grande lorsque j’aperçu le passager du véhicule, et c’est alors que je compris ce qui m’avait précédemment échappé : pourquoi le Nuage avait accepté de nous aider, et pourquoi s’était-il fendu d’un sourire qui, sur son visage, me semblait n’avoir rien de naturel. Dans un épais nuage de sable, le véhicule décrit un demi-tour, et s’éloigna à tombeaux ouverts des lieux de l’embuscade : à travers la fumée que crachait le pot d’échappement, je pu voir une dernière fois le visage en larmes d’une femme, essayant, tant bien que mal, d’échapper à l’étreinte de son nouveau geôlier.
L’instant d’après, une hache m’arrachait l’épaule droite…
Jūza / Ma3va
Ken-Ō ou le prix de la reconstruction
Le soleil était à son zénith. La chaleur accablait le sol déjà stérile et rocailleux. Le casque du seigneur Ken-Ō scintillait de mille feux sous les rayons du soleil, ce qui rendait ce géant encore plus impressionnant.
Du haut d’un petit ravin, chevauchant un gigantesque destrier noir, et entouré de sa garde prétorienne. Raoh fixait d’un regard lourd, la ville située un peu plus bas au loin. Ou du moins, les ruines de ce qui était jadis une grande citée. D’après ses espions, les villageois au prix de lourds efforts, auraient terminés de creuser un puits. L’eau devenu plus rare et plus précieux que l’or, expliquait la relative prospérité de cet oasis durant ces temps difficiles. La vie battait son plein au sein de la ville, et au vu de cette agitation, de petits ricanements, et gloussements se firent entendre. Raoh baissa légèrement la tête en direction de ces rires lourds d’excitation et de sadisme. Un peu plus bas du ravin se trouvait une multitude d’hommes en arme. Raoh ne pouvait s’empêcher de porter un regard dédaigneux, sur ce ramassis de barbares et d’assassins assoiffés de sang, que composait le plus gros de son armée. Tous ces pillards psychotiques, représentaient tout ce qu’il combattait et méprisait, comme la lâcheté et la cruauté.
Raoh regarda le ciel, ferma les yeux pendant une poignée de secondes. Puis serrant très fortement les rennes de Kokuō, il rouvrit ses paupières aussi sec. L’heure n’était plus aux sentiments, mais à la force. N’avait il pas suivit l’enseignement du Hokuto Shinken , auprès de son feu Maître Ryûken, pour devenir l’homme le plus fort sur cette terre ? Sentant la colère montée en lui, il dirigea à nouveau son regard vers ses hommes. Balga, le général en chef des armées de Ken-Ō, un grand gaillard aux muscles d’acier, procéda à une rapide revue des troupes. Une belle bande de racaille sans dignité pensa Raoh. Oui, mais ces bandits réunis sous sa bannière, étaient son outil principal pour atteindre ses ambitions
Un hennissement mis fin à ses réflexions. Raoh flatta l’encolure de Kokuō, puis rencontra le regard de Balga. D’un faible hochement de la tête, il ordonna à son général de passer à l’attaque. Balga monta à l’arrière de son buggy. Il se tenait debout face à la horde de pillards. Il attrapa de sa main droite, le fanion portant le blason de Ken-Ō, puis leva leva son bras gauche. A ce moment précis, des centaines de moteurs se mirent en marche, mêlés à des cris guerriers. Les punks prenaient un malin plaisir à faire rugir les moteurs de leur moto, en poussant de brèves, mais puissantes accélérations. Ce tumulte dura pendant plusieurs dizaines de secondes. Balga se tenait toujours dans la même position, puis donna le signal, du départ en abaissant son bras d’un coup bref. La horde infernale parti dans un déluge de poussière, à l’assaut de la ville.
A peine son armée partie. Raoh tira légèrement sur les rennes, et fit faire demi tour à Kokuō. Avec sa garde personnelle, il s’apprêta déjà à rejoindre en grand conquérant, la citée, qui dans un bain de sang, ne tardera pas à tomber entre ses mains. Conquérir, pacifié, unifié, c’est ce qu’avait perpétuellement Raoh en tête. La force était son atout, et la peur son alliée. C’est de cette manière, et la seule valable selon lui, que Ken-Ō comptait faire régner à nouveau l’ordre dans ce monde. Certes, la mort et la souffrance le suivront à chaque pas, mais tel était le prix de la reconstruction.
Le masque de la souffrance
Jagi, tel était le nom de l’homme qui avait souillé les 2000 ans d’histoire du Hokuto Shinken….
Jamais je ne pourrai oublier ce jour, le jour de la succession… je m’en souviens encore comme si c’était hier, moi et mes compagnons courant à vive allure, nous partîmes avertir notre Maître que Kenshiro serait désormais unique héritier du Hokuto. Très vite il devint fou de rage, et son arme à la main, il se précipita vers le dojo bien décidé à en finir une fois pour toute avec son cadet. Peu de temps après, la silhouette de notre maître apparaissait dans la brume et ses cris d’agonie résonnaient au loin, son crâne se déformant de secondes en secondes prêt à exploser sous nos yeux, le pauvre fou s’efforçait tant bien que mal de retarder ce qui semblait inévitable. C’est alors qu’il nous ordonna de faire une chose insensée, quelques morceaux de ferrailles, un tisonnier et un marteau pour battre le fer, il n’y avait plus une seconde à perdre, en l’espace d’un instant nous étions devenu ses bourreaux. Les morceaux de métaux incandescent sortaient tout droit des flammes de l’enfer et l’armature métallique devait être fixée à chaud sur son visage, martelée et cloutée à même la peau, scène abominable que je ne pourrai jamais oublier et bien qu’il soit extrêmement dur de nature, il ne pu retenir très longtemps ses larmes, la douleur lui était trop insupportable…
Il avait tout perdu depuis ce jour, fierté, honneur, sentiments, et de ce qu’il convoitait le plus au monde, il ne lui restait rien… juste un masque de fer derrière lequel il se cachait de son visage défiguré mais aussi de toutes les atrocités qu’il commettait chaque jour. Seul la haine qu’il vouait envers son cadet nourrissait sa détermination et lui donnait la force d’endurer ses horribles souffrances. Ce masque effrayant et plein de vice qui inspirait la crainte et la terreur, aussi rouge que le sang de son frère qu’il haïssait bien plus que son propre visage. je le revoyais là allongé dans un coin sombre de la pièce, son corps massif et musculeux marqué par les années d’entraînement. Dans cette pièce froide et humide pas un bruit ne se faisait entendre, juste la respiration lente et tumultueuse d’un homme luttant contre lui même…
Une terrible agonie se faisait sentir et personne ne pouvait comprendre sa colère et surtout sa douleur. Tout actes qu’il avait pu commettre, aussi horrible soient-ils, ne pouvaient justifier un tel châtiment. Chaque jour il sombrait de plus en plus dans sa folie meurtrière et plusieurs fois je failli y laissé ma vie. Il aurait très bien pu me tuer pour avoir renversé un verre ou mal prononcé un mot ou pour moins que ça… Bien qu’il soit mon maître, je l’ai toujours méprisé pour sa cruauté à notre égard, nous qui sommes considéré comme du bétail. Mais je ressentais sa tristesse, et bien qu’il essaya de la dissimuler derrière son masque et ses rires moqueurs, je ne pu m’empêcher de penser qu’il s’agissait d’un être humain et qu’il souffrait atrocement chaque seconde qui s’écoulaient… il m’arrivait parfois de l’admirer, même si ce n’était qu’un bref instant pour tout ce qu’il endurait, ce qu’un homme comme moi et beaucoup d’autres n’aurait jamais supporté…
Maître Jagi se repose encore et l’aube va bientôt se lever, il faut que je prépare son repas. Comme chaque jour, je crains de perdre ma vie bien qu’elle n’ai pas beaucoup de valeur à ses yeux… demain une statue à son effigie va être sculptée sur la place de la ville, en quel honneur, je ne sais pas, mais je pourrai peut être profiter de l’occasion pour m’enfuir en espérant qu’il ne m’abatte dans le dos avec son fusil.. , toujours accroché à sa ceinture, dans son étui de cuir noir, de peur qu’on ne le lui vole… Aujourd’hui encore beaucoup de sang va couler, le sang des faibles comme toujours, je ne préfère pas imaginer ce que mon maître fera des esclaves, et ne citerai pas les abominations qu’il a pu leurs faire ces derniers jours pour apaiser sa haine envers son frère. Toutes ces tueries à la gloire de Ken-Ō, le frère d’école de mon Maître et le nouveau conquérant de notre époque sanglante…
J’espère que mon histoire ne vous paraîtra pas trop absurde et que vous trouverez cette note que j’ai pu écrire pendant mes rares heures de pause mais il faut vraiment que j’y retourne, Maître Jagi m’appelle et je crois qu’il vient de tuer l’un de ses serviteurs, encore…. je vais devoir nettoyer le sang, et les morceaux de cervelles éparpillés sur le sol et les murs…
Cette note est sans doute ma dernière, car demain je serais peut être libre, même si ce n’est qu’un sursis….
Serviteur Punk
02/05/19XX
Un Nuage se réveille
Bleu… C’était la première vision qu’avait Jūza à chacun de ses réveils : du bleu, celui de ses draps. Et le corps nu d’une femme dont le nom, à supposer qu’elle ait eut le temps de le lui dire, s’était, depuis longtemps déjà, noyé dans les vapeurs de quelque boisson fortement alcoolisée. Toutes innombrables qu’avaient été les fois où cette scène s’était reproduite, Jūza ne pouvait s’empêcher de s’émerveiller devant le spectacle du tissu enveloppant les courbes de sa maîtresse d’une nuit, où le bleu ardoise de ses draps se mêlait au rose pâle de sa peau. Plus que tout autre plaisir charnel, la vue de l’étoffe épousant le relief de ses hanches, s’immisçant presque clandestinement entre ses cuisses, accompagnant ses jambes sur toute leur longueur… cette vision sensuelle rappelait à Jūza pourquoi il aimait tant les femmes : non pas pour leur corps, tout splendide qu’il fût, non pas parce qu’elles lui permettaient d’oublier, même pour une nuit, celle qui s’était avérée être sa demi-sœur cadette, et dont il était toujours follement épris – quoiqu’il ait passé le plus clair de son temps à le nier…
Son penchant pour le beau sexe, que certains qualifiaient d’immodéré, trouvait son origine ailleurs que dans des explications, toutes rationnelles fussent-elles, aussi pragmatiques. La raison en était presque transcendante, insaisissable pour un esprit par trop attaché à la conventionnelle simplicité de l’attirance sexuelle : Jūza voyait en chaque femme une force que même lui, tout Nuage qu’il était, ne parviendrait jamais à dompter, une puissance quasi-immanente que dégageait la parfaite harmonie de ces courbes dévêtues à moitié dissimulées par les draps. Toutes ces femmes anonymes, tous ses yeux dont il lui était parfois arrivé d’oublier jusqu’à la couleur, tous ces corps avec lesquels il n’avait fait qu’un : tout ceci forçait son admiration et, par là même, lui rappelait quelle tristesse était la sienne. Celle de devoir, au réveil de son amante, lui donner la ration de vivres qu’il offrait à toutes ses conquêtes, un geste de pure générosité qu’il tenait à garder secret aux yeux de ses compagnons d’aventure. Celle de devoir se séparer d’une femme qu’il aurait pu, dans d’autres circonstances, aimer de la façon la plus sincère qui soit. Celle de devoir retrouver sa liberté de Nuage, qu’il avait abandonnée le temps d’une nuit de luxure : une indépendance qui, à force de tant la revendiquer et la préserver, lui pesait parfois plus qu’une quelconque forme d’allégeance.
L’après-midi était déjà fortement entamée, et il lui fallait préparer les festivités de la nuit à venir. Nuage toujours il avait été, Nuage toujours il resterait : d’un baiser subtil, il effleura tendrement la poitrine de sa compagne pour la réveiller.
Jūza / Ma3va
Une offre que l’on ne peut refuser
Cela faisait déjà plusieurs heures qu’il marchait, chaque pas l’éloignait de plus en plus du dojo qu’il ne reverrait sans doute jamais. Kim repensait perpétuellement à la terrible sentence du Maître…
– Tu peux partir, tu n’as pas les capacités pour devenir successeur du Hokuto Shinken, ne repasses plus jamais le seuil de cette porte.
Ses mains étaient engourdies par le froid, il portait sur l’épaule un petit sac de vivres, il s’arrêta brusquement et examina les provisions qu’il lui restait. Juste une veille boîte de conserve, un peu de viande séchée et une gourde d’eau à moitié vide. Son attention se porta sur la conserve, l’étiquette avait presque disparue mais on pouvait deviner qu’il s’agissait d’une veille boîte de sardine, le contenu semblait intact. Il décida de faire une pause afin de reprendre des forces. Il y avait une petit moulin en ruines un peu plus loin, il pourrait s’y installer quelques temps en espérant qu’il ne soit pas déjà occupé par des bandits. Il examina les lieux et trouva une place à l’abris des intempéries. La nuit allait tomber, et le froid se faisait sentir, il ramassa quelques branches pour allumer un petit feu. Il était fatigué et s’empressa de vider la conserve et de boire une gorgée d’eau.
Il referma ses paupières petit à petit et se souvint étrangement de ce jour, le jour où il avait franchi la porte du dōjō et où il fit la connaissance de Raoh, Toki, Jagi et Kenshiro. Il les avait observé attentivement tout les quatre, Raoh était le plus vieux mais aussi le plus robuste, il travaillait ses abdominaux tout en serrant d’énormes poids dans chaque mains, il semblait être le plus hargneux et n’adressa pas même un regard au nouveau venu, sa respiration était semblable à celle d’un lion. Toki s’entraînait seul et répétait sans cesse les mêmes gestes, fluides et gracieux à la fois, Kim resta hypnotisé en l’observant, Toki s’arrêta quelques secondes et lui fit un signe de tête avec un sourire des plus accueillant, ensuite il reprit de plus belle..
Kim détourna son attention sur les deux garçons restant, Jagi et Kenshiro qui s’échangeaient quelques coups, ils travaillaient la technique, la parade et la riposte. Quand tout a coup Kenshiro reçu de plein fouet un puissant coup de pied dans la mâchoire, il s’écroula sur le sol avec une gerbe de sang.
Jagi : Hey Kenshiro, si tu ne peux pas éviter ce coup, que feras-tu contre Raoh ? haha..
Kenshiro : …
Jagi : Kenshiro, quitte le dōjō, tu ne pourras jamais être meilleur que moi !
Jagi écrasa la tête de Kenshirō avec fierté, il était un peu plus vieux que ce dernier et avait plus d’expérience. Il prenait plaisir à le ridiculiser profitant de l’absence du Maître. Kenshiro faisait peine à voir, il souffrait beaucoup mais ne versa pas une seule larme pour autant.
Kim prit alors la parole : Euh.. bonjour, je m’appelle Kim, on m’a dit que le successeur du Hokuto Shinken se trouvait ici ?
Jagi : Qu’est ce que tu lui veux à Ryûken ?
Kim : Mon père est l’un de ses meilleurs amis et il m’a envoyé ici pour suivre son enseignement.
Jagi : On a pas besoin de toi ici.. retourne d’où tu viens !!
Toki : Bienvenue à toi Kim, ne fais pas attention à Jagi… il est toujours aussi désagréable avec les invités…
Toki : Je m’appelle Toki, ça fait plaisir de voir une nouvelle tête par ici, patiente un peu, notre Maître ne devrait pas tarder.
Soudain la silhouette de Ryûken apparu au seuil de la porte, il était grand et fort avec un maintien fier et élégant, il lança un regard glacial à Jagi et s’approcha de lui sans se soucier de Kim.
Ryûken : Tu profites toujours de mon absence à ce que je vois…
Jagi : Père, il n’a pas les capacités pour succéder, je suis bien plus fort que lui !
Ryûken : Ha bon, tu te crois meilleur que Kenshiro ? voyons voir si tu es aussi fort que tu le prétends, mais je serais ton adversaire cette fois ci.
Jagi était pris au dépourvu, mais voulait malgré tout prouver à son maître qu’il avait progressé. Il se précipita vers son Maître et donna une petite série de coups de poing que Ryûken esquiva aisément, Ryûken riposta avec un simple touché de hikō qui lui paralysa le corps suivis d’un superbe coup de pied qui expédia Jagi quelques mètre plus loin. Le choc était violent, il n’y était pas allé de main morte..
Ryûken : Quand comprendras-tu… *soupir*
Ryûken : Est ce que ça va Kenshirō ?
Kenshirō : Oui.. père *se relevant avec difficulté*
Jagi : Enfoiré d’ Kenshirō… argg.. j’aurai t’as peau.. je jure que j’te crèverais arrg.. *murmure*
Jagi avait atterri près de Raoh, il agonisait mais serra les dents, il avait certainement une ou deux côtes cassées. Jagi haïssait Kenshiro car non seulement il était le plus jeune mais aussi le favori du père. Raoh jeta un œil sur Jagi et il prit la parole pour la première fois.
Raoh : Relève toi Jagi, si tu ne le fais pas… tu ne vaux pas mieux que Kenshiro. Si tu veux m’arracher le titre un jour, tu dois apprendre à vivre dans la douleur.
Ses paroles lui avaient redonné courage, il ne voulait pas être comparé à Kenshirō, il se releva suivant les conseils de son aîné et sortit du dōjō pour reprendre ses esprits. Ryûken ne comprenait pas pourquoi il agissait de la sorte, il savait que ce garçon avait du potentiel, Jagi ne s’était jamais plaint des entraînements parfois extrêmes ou des mauvais coups. Il avait les capacités physiques pour faire un bon successeur, Ryûken en était persuadé, c’est bien pour ça qu’il l’avait adopté, cependant sa mentalité risquait de lui fermer les portes du Hokuto Shinken un jour ou l’autre..
Ryûken se dirigea vers Kim, et le fixa quelques secondes..
Ryûken : Tu es le fils de mon veille ami Cassidi ?
Kim : Oui je m’appelle Kim, j’aimerai être initié au Hokuto Shinken.
Ryûken : J’ai déjà 4 garçons… pour la plupart ils sont exceptionnels… je suis désolé, mais je dois te demander de partir… la seul chose qui pourrait me faire changer d’avis, c’est que l’un de mes garçons abandonnent.
Kim : Vous ne voulez même pas testé mes capacités! j’ai fais tout ce chemin pour rien !!
Ryûken : Pardonne moi Kim, dis à ton père que je suis sincèrement désolé.
Kim quitta le dōjō fou de colère et croisa Jagi qui était en train d’examiner la gravité de ses blessures, Kim s’arrêta et le fixa des yeux.
Jagi : hahaha.. Ryûken t’as chassé !!
Kim : La ferme !!!
Jagi : Ne t’énerve pas, j’ai une idée qui pourrait t’intéresser.. as tu écouté les paroles du vieux, si l’un de nous venait à abandonner tu pourrais toujours avoir ta chance..
Kim : Tu penses au jeune garçon, pourquoi tu en veux tant à Kenshiro ?
Jagi : Père est toujours de son côté, je le déteste !! il n’y en a que pour lui alors qu’il est le moins doué de nous 4 !! un jour je le tuerai !! et traînerai son nom dans la boue !!! Kenshiro !! je hais ce nom !!!
Kim : Tu comptes vraiment le tuer..?
Jagi : Bien sûr et puis ta seule chance de rester parmi nous.. c’est de chasser Kenshiro, tu pourras lui prendre sa place. Le faire partir d’une manière ou d’une autre si tu vois ce que je veux dire..
Kim était terrorisé, mais Jagi semblait convaincant et puis la seul chose qui importait à Kim, c’était le titre même si il devait passer par là..
Kim : comment veux tu que je m’y prenne, je ne sais pas encore me battre ?
Jagi : Viens avec moi, je vais te montrer quelque chose…
Kim le suivit aveuglément, Jagi l’emmena dans un ancien bunker, une fois à l’intérieur il sortit une veille boîte métallique. Jagi sortit une petite clé de sa poche, déverrouilla un vieux cadenas, et ouvra la boîte. Kim examina le contenu, il s’agissait d’un vieux fusil canon scié, la crosse était en bois et le canon en acier bleu trempé. Il y avait à côté une boîte en carton avec quelques cartouches.
Jagi : On dit que face à genre d’armes, même le Hokuto Shinken ne peut rien, c’est une arme terrible… avec ça tu parviendras facilement à éliminer Kenshiro, Ryûken te crois parti, il ne se doutera pas que c’est toi le responsable du meurtre. Ensuite tu auras de nouveau t’as chance et moi je serai débarrassé de Ken, hey c’est qu’il y en a là-dedans !
L’offre ne pouvait pas être refusée, lui qui désirait tant apprendre le Hokuto Shinken. Étonné et émerveillé en même temps. Kim ne pouvait détacher son regard de la boîte, contemplant le fusil avec convoitise…
Pères
Bien des années après la mort de Kaioh, le monde s’était reconstruit lentement mais sûrement et l’homme semblait avoir tiré les leçons des erreurs du passé… la barbarie faisait à présent place à la diplomatie et la violence s’effaçait lentement de la surface de la planète.
A proximité d’un village comme il en existe à présent des milliers, un homme se tient debout face à la mer.
Depuis maintenant plusieurs années qui lui ont semblé être des siècles, Kenshirō regarde imperturbablement le soleil se coucher, cherchant dans cette vision paradisiaque le visage souriant de Yuria, sa raison de vivre qui lui a été arrachée si tôt.
Le dernier héritier du Hokuto est à présent lui aussi au crépuscule de sa vie. Les nombreux combats qu’il a dû mener commencent à le hanter dès que les étoiles apparaissent dans le ciel et que ses yeux se ferment. Alors pourquoi s’est-il obstiné à enseigner son art assassin et sa sagesse à ses deux élèves ? Bien des années se sont écoulées depuis la mort de Yuria, mais le sentiment de tristesse et de solitude se faisait toujours aussi présent…
Soudain, il entendit des pas derrière lui qui lui firent sortir de sa torpeur.
Hawk : “Père… la nuit ne va pas tarder à tomber, Ryū et moi préférerions que vous veniez vous réchauffer autour d’un bon feu…”
Kenshiro : “Cinq minutes…”
Hawk se retira en silence, laissant son père adoptif se battre avec ses souvenirs…
Kenshiro… cet homme sans qui il ne serait rien d’autre aujourd’hui que le simple fils de Falco, la légende Gento… Kenshiro qui lui avait tout appris : l’art de se battre mais aussi la valeur de l’amour d’un père qu’il n’avait pas eu l’occasion de connaitre. Il savait au fond de lui que Kenshirō ne vivrait plus très longtemps et qu’il finirait lui aussi par devenir une étoile de légende mais malgré cela il ne pouvait se résigner à l’accepter. Il se rendait compte que son attention envers Kenshirō semblait parfois exagérée et il anticipait déjà la souffrance que lui infligerait la perte de cet homme. Tout le contraire de son frère d’armes, Ryū, auquel il enviait la sagesse.
Le soleil était à présent totalement noyé dans l’océan et le paysage rougeoyant faisait place à un bleu profond parsemé du reflet des astres.
“Yuria… dans peu de temps je ne verrais plus ton visage en pensée mais je te rejoindrait dans un monde où nous serons enfin réunis pour l’éternité…”
Kenshiro se retourna lentement et le maître et l’élève s’éloignèrent ensuite silencieusement pour rejoindre l’agitation du village.
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“Kenshiro, je pars cette nuit pour trois jours afin de me recueillir sur la tombe de mon père mais Hawk restera pour veiller sur vous…”
Hawk regarda Ryû s’éloigner, sans même lui adresser un regard, il ne comprenait pas l’attitude de son frère… comment pouvait-il autant négliger l’homme qui leur avait tout donné pour lui préférer le souvenir vague d’un homme qu’il n’a jamais connu ?
Il regarda Kenshirō et celui-ci semblait lire dans son esprit puisqu’il lui dit en souriant:
“Hawk, ne te méprend pas sur Ryū… son père tout comme le tiens était un grand homme, sa légende lui survit et dans les yeux de son fils brille une admiration plus forte encore que n’importe quelle légende.”
“Mais.. père… pourquoi est-ce que je ne ressens pas cette admiration ? je respecte énormément mon père mais c’est vous qui m’avez tout appris et qui avez pris une grande place dans mon cœur !”
“Lorsque Myū, ta mère nous a quitté, j’ai longtemps hésité à te recueillir mais si je l’ai fais c’est uniquement parce que je savais que c’était la volonté de Falco… mon ami…”
Sur ce, les yeux de Kenshirō se perdirent dans le lointain et Hawk su qu’il valait mieux le laisser seul. Il quitta la maison et vit que Ryū s’enfonçait déjà dans la nuit.
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Trois jours plus tard.
Hawk avait remarqué que la santé de Kenshirō s’était brutalement aggravée ces derniers temps, il l’avait aperçu plusieurs fois prendre appui contre un arbre, chancelant et cherchant son souffle. Il décida de se rendre dans un village proche afin de lui ramener quelques médicaments qui pourraient atténuer sa douleur. Ryū serait de toute façon de retour avant lui, il pouvait donc partir l’esprit en paix. Il enfourcha sa moto et partit dans un nuage de fumée.
Kenshirō de son côté se rendit au temple où il avait pris l’habitude de sculpter depuis que l’entraînement de ses disciples était terminé. Il entra et s’assit en tailleur près de l’autel afin de commencer son ouvrage. Il prit un morceau d’ébène d’une main et son couteau de l’autre mais n’eu pas le temps de se mettre au travail.
Une douleur fulgurante lui perfora l’abdomen.
Un carreau d’arbalète était fiché dans son ventre et son sang s’écoulait déjà dans un flot continu sur le marbre du temple sacré… il releva la tête et aperçu une ombre sur le pas de la porte…
“Enfin… après tout ce temps tu vas enfin pouvoir payer tes dettes, Kenshirō…”
L’homme était grand et vêtu de cuir noir, son visage sombre traversé par un bandeau lui cachant l’œil droit transpirait la haine. Il tenait une arbalète immense dans la main droite et un morceau de métal rouillé dans la main gauche.
“Tu sais qui je suis même si nous ne nous sommes jamais rencontré… cela fait maintenant plusieurs années que je rôde autour de ce village, attendant mon heure et le moment propice pour venir accomplir ma vengeance sans être dérangé…”
Sur ce il lança le morceau de métal qui s’écrasa dans la flaque de sang qui s’étendait inexorablement autour de Kenshirō… Kenshiro la pris dans sa main tremblante et reconnu tout de suite l’objet… un morceau de casque de motard…
“Ma vengeance ! je suis venu venger mon père qui a souffert le martyr par ta faute ! il était loin d’être un saint, j’en ai bien conscience, mais personne ne mérite la vie de torture que tu lui a fais subir… Heureusement aujourd’hui ses souffrances seront effacées par les tiennes… ton agonie ne fait que commencer, crois-moi…”
Kenshirō cherchait désespérément à tenir l’équilibre, il savait que son heure était venue et qu’il était temps pour lui de quitter ce monde cruel qui avait fait de lui le témoin de tant de morts inutiles…
Mourir de la main du fils de Jagi ne lui faisait pas peur, il avait senti sa présence maléfique rôder autour du village depuis le premier jour et s’attendait à le voir réclamer justice.
L’homme s’avança lentement vers lui et tira une seconde fois. Cette fois le carreau lui explosa la main droite dans une gerbe de sang et d’os. Le vieil héritier du Hokuto Shinken s’effondra sur le sol et sa vue commença à se brouiller…
L’homme fit un autre pas et arma à nouveau son arbalète… mais soudain une expression de stupeur lui transperça le visage. Il fixait toujours Kenshiro, mais ses yeux étaient devenus ceux d’un cadavre. Son corps se déchira en deux dans un horrible bruit de déchirement humide et ce qu’il restait d’un homme tomba dans le linceul pourpre de Kenshirō.
Hawk se tenait à l’entrée du temple.
“Père !!! pourquoi vous ai-je laissé sans protection ?!?” hurla Hawk, avant de se précipiter vers le corps ensanglanté de son père adoptif.
Hawk lui redressa la tête et lui prit la main, son visage était un torrent de larmes.
“Hawk… écoutes-moi… rien n’est de ta faute… mon destin était de mourir aujourd’hui et personne ne pouvait rien y changer, pas même toi… dis à Ryū que je suis fier de lui et de ce qu’il est devenu… dans vos deux cœurs sont à présent gravés la tristesse et l’amour… vous êtes l’avenir de ce monde et si un jour les ténèbres s’abattent à nouveau, vous serez les lumières qui leur feront face… je pars en paix rejoindre mes amis, mes ennemis et… Yuria…”
Kenshirō mourut dans ses bras et le cri que lança Hawk se répercuta au delà des murs du temple pour vibrer dans chaque brins d’herbe, chaque pierres, chaque feuilles d’arbre pour se propager tel le vent pour finalement mourir dans sa gorge.
Les yeux embués de larmes, il regarda le corps inerte avant de prendre son visage entre ses mains et d’y hurler de toute ses forces.
Mais rapidement la tristesse se changea en colère puis la colère en haine… C’est à ce moment que Ryū entra précipitamment dans le temple et se figea net en contemplant l’horrible spectacle. Des larmes coulèrent sur ses joues et son cœur se déchira, il eut le sentiment de perdre son père pour la seconde fois et voulut dire un mot qui refusa de sortir lorsque ses yeux croisèrent ceux de Hawk… Son visage était grimaçant et du sang lui sortait de la bouche, sans pour autant qu’il ne s’en aperçoive… Ses poings étaient si serrés que le sang dans leurs veines semblait prêt à jaillir telle la lave d’un volcan…
Hawk se redressa et fixa Ryū. De la sueur perlait sur tout son corps pris de spasmes incontrôlables…
Ce que vit Ryū dans les yeux de son frère lui fit mettre un genou à terre… la tristesse qu’il avait ressenti il y a quelques secondes faisait maintenant place à une terreur sans nom.
L’homme qui se tenait face à lui n’avait plus rien de son frère. Cet homme qui vomissait cette énergie maléfique n’avait plus rien d’un homme…
C’était le Mal du Hokuto Ryūken réincarné…
Petit frère
Le départ de Jūza pour le Canyon Septentrional n’était plus qu’une question de minutes à présent. Les éclaireurs de son étoile sœur, Yama no Fudō, lui avaient rapporté que l’armée de Ken-Ō s’était engagée dans le long couloir rocailleux depuis une bonne heure déjà : le temps “habituellement complice des nuages” jouait cette fois contre leur maître capricieux, et bien que l’idée l’en contrariât grandement, il lui faudrait attendre son arrivée au campement des scouts pour rédiger la lettre d’adieu qu’il destinait à sa sœur cadette. S’arrachant de lui-même à sa vagabonde rêverie, le guerrier le plus imprévisible des Nanto Goshasei se saisit de sa veste de combat.
“Jūza-sama… votre hanche…”
Le loyal aide de camp de Fudō n’avait pu s’empêcher de remarquer l’imperceptible cicatrice qui courait le long du flanc gauche du Nuage, pareille à une morsure de quelque animal sauvage.
“N’aie aucune inquiétude, Kentarō… Cette blessure a cicatrisé depuis bien longtemps déjà. Oui… depuis bien longtemps.”
Foncièrement reconnaissant de l’aide que “pour des raisons qui n’appartenaient qu’à lui” Jūza avait daigné apporter aux troupes du dernier des Roku Seiken, l’homme ne fit aucun effort pour cacher sa préoccupation.
“Mais… Ne serait-il pas plus prudent de porter des protections supplémentaires pour affronter l’effroyable Ken-Ō, dont le Poing dit-on peut rivaliser avec Dieu lui-même”
“Porter une armure engendre l’inattention, l’indulgence envers soi. L’essence même de mon Poing “fondamentalement offensive” m’interdit de me retrancher derrière un fragile rempart que mon adversaire aurait bien vite fait de pulvériser : s’il espère pouvoir vaincre un Roc, le Nuage ne doit pas encombrer ses coups d’une surcharge matérielle. Et je te garantis que, quoiqu’il arrive, il en faudra plus à Raoh qu’une simple entaille vieille de plus de trois ans pour me vaincre.”
“Soyez raisonnable, Jūza !!!”
Ayant immédiatement reconnu cette voix, le Nuage pria l’homme de Fudō de prendre congé. Lorsqu’il fut seul avec son dernier interlocuteur, l’expression de ses yeux, habituellement pleine de malice, se changea pour refléter une immense tendresse, ne laissant aucun doute quant à l’identité de la personne à qui il la destinait.
“Grand frère… Te demander de sacrifier ta vie pour mon avenir est un déchirement suffisamment intolérable pour que tu ne fasses pas de surcroît un suicide organisé de cet affrontement avec Raoh !!!”
Yuria cachait mal l’émotion avec laquelle elle prononçait ces mots.
“Yuria-chan… Mon adorable petite sœur ne ferait-elle donc plus confiance à son mauvais garçon de grand frère ? Me penses-tu vraiment capable de t’abandonner, aujourd’hui que je t’ai enfin retrouvée”
“Pou… P-P… Pourquoi a-t-il fallu que père vous transmette, à toi et à Ryūga, ce don pour consoler votre sœur lorsque le poids des responsabilités écrase ses épaules déjà bien fragiles”
“Sans doute un dernier caprice de ce vieux fou : c’est chose courante dans notre famille… Aie confiance, petite sœur : Raoh ne viendra pas à bout de moi aussi facilement ; je te fais le serment qu’avant de m’enterrer, le bougre aura le temps de maudire mon nom mille fois. Ha ! Ha ! Ha !”
“Jūza-chan…”
Dehors, un éclair éventra le ciel pourpre” indéniable présage du dernier grand combat qu’allait mener le Nuage. Un éclair… un éclair… un éclair…
…
…
Un éclair déchira la nuit. L’espace d’un instant, l’œil habitué de Jūza discerna une silhouette, une ombre, se dessiner au-dessus de lui.
“Imbécile !!! Crois-tu vraiment qu’une ruse aussi grossière aurait raison de moi ?!”
Poussant un hurlement semblable à une complainte, l’agresseur amortit sa chute à l’endroit même où se tenait sa victime l’instant d’avant : ses yeux étincelèrent d’une lueur assassine, lorsqu’il bondit, pareil à un fauve, pour se jucher sur la gargouille ornant un pan de mur à moitié enseveli. Focalisant toute son attention sur l’ouïe, il essaya de localiser le Nuage aux railleries que ce dernier “toujours prompt à narguer ses adversaires” faisait résonner dans toute l’enceinte de l’église en ruine.
“Mon pauvre ami : les années ne t’ont pas rendu moins prévisible qu’à notre dernière rencontre ! Cette cape ridicule, même si elle sied merveilleusement bien à un nigaud de ton espèce, entrave peut-être tes mouvements naturellement maladroits !!! Ha ! Ha ! Ha !”
L’éloquence innée de Jūza ne rendait ses moqueries que plus insupportables à entendre, mais l’homme y était roué et n’allait pas se laisser vaincre par des mots.
“Allons, grand imbécile, qu’attends-tu ?!? La politique de Raoh n’est-elle pas de vaincre l’indécision de ses hommes par la peur ? À moins, bien sûr, que tu n’aies rejoint son armée qu’en paroles…”
Jubilant d’avoir découvert sa cachette, le poursuivant du Nuage prit la liberté de lui répondre.
“Si l’un de nous deux n’a pas changé, c’est bien toi : toujours prompt à l’ouvrir, et encore plus à fuir… Je reconnais bien là l’homme à l’incommensurable lâcheté : le pleutre qui a préféré se vautrer dans la luxure plutôt que d’aller délivrer sa cadette. Je prierais volontiers pour le salut de ton âme, si tant est que tu en possèdes une.”
“Difficile d’imaginer Poing plus faible que celui dont le pratiquant espère vaincre son adversaire en lui faisant la morale… Descends donc de ton perchoir, oiseau de malheur : toi et moi savons pertinemment où je me cache !!!”
À peine Jūza avait-il prononcé ces mots que son assaillant se rua vers la colonne qui le dissimulait. Le marbre s’en fissura sur toute la circonférence, ne laissant au Nuage que le temps de s’évanouir dans la pénombre des lieux. Sifflant de rage entre ses dents, son adversaire acheva de détruire l’imposant pilier, tout autant pour canaliser sa frustration, qu’il craignait de trahir à tout moment, que pour réduire le nombre de couverts potentiels que sa proie ne manquerait pas d’utiliser pour transformer ce duel en un interminable combat d’endurance.
“Tu ne pourras pas prendre la fuite éternellement, énergumène !!! Qu’en est-il de ce Poing Illisible dont on prétend qu’il représenterait une menace tangible à l’hégémonie qu’instaure l’Invincible Ken-Ō, champion incontesté de cette fin de siècle troublée ?”
“Raoh tient sans nul doute du fieffé crétin davantage que du grand conquérant pour accepter les pitres de ton espèces dans son armée ! Ha ! Ha ! Ha ! Quant à mon Poing, sache que son utilisation est un privilège réservé à des adversaires autrement plus méritants que toi !”
Davantage éprouvé par la verve exaspérante de sa proie que par les trois heures écoulées depuis le début du combat, le poursuivant du Nuage marqua une pause conséquente. Vaincre Jūza sur le terrain de ses désormais célèbres joutes verbales relevait de la pure utopie, et lui emboîter le pas dans cet affrontement à l’usure s’apparentait à un suicide savamment orchestré… Mais l’idée de lui laisser remporter ce duel lui était infiniment plus intolérable : le goût exquis de la victoire ne manquerait pas de décupler l’arrogance naturellement exacerbée du Nuage, et lui accorder le privilège d’affronter Kenshiro serait un déshonneur plus grand encore que celui de la défaite…
C’est alors que sa proie commit une erreur ahurissante pour un homme de pareille expertise martiale : bondissant de la gargouille sur laquelle il s’était retiré quelques instants plus tôt, Jūza plongea poing en avant sur son adversaire, laissant inconsciemment son flanc gauche dangereusement exposé à la contre-attaque fulgurante de son poursuivant.
Celle-ci ne se fit d’ailleurs point attendre…
Un nouvel éclair éventra les ténèbres de la nuit, projetant les ombres entremêlées des deux hommes sur ce que leur affrontement avait épargné des ruines déjà éparses de l’église. Affichant un sourire forcé, le Nuage ne pu toutefois s’empêcher de laisser échapper un imperceptible gémissement de douleur.
“Impressionnant, Demi-Sang… Excessivement impressionnant…”
Empoignant de la main gauche le poignet droit de son interlocuteur, Jūza entreprit de retirer la main “griffes de l’ours” que ce dernier avait fichée dans le flanc de sa proie. Alors que le froid commençait déjà à se manifester en empêchant la plaie de saigner, l’homme signifia au Nuage l’incompréhension dont se teignait son mépris.
“Pensais-tu vraiment tromper ma vigilance avec une ruse pareillement flagrante ? Tu m’as volontairement permis de te frapper selon un angle d’attaque m’empêchant d’atteindre tes points vitaux… Pourquoi ?”
“Parce que l’espace d’un instant… l’espace d’une seconde… j’ai eu foi dans tes yeux de loup, petit frère… Si mes compères nuages me tiennent dans la confidence de l’écoulement du temps… seul ton regard glacial est à même d’en comprendre les profonds changements.”
Le visage déformé par la douleur, Jūza parvint tant bien que mal à articuler un ricanement moqueur.
“Va ! *Nnnnngh !!!* Pars rejoindre Ken-Ō… Conformément à notre accord… je te laisse le soin d’aff… *Uuuuun !* d’affronter Kenshirō qu… quand bon te semblera. C’est désormais à toi que revient l’honneur… de juger de celui qui partagera… qui partagera peut-être la vie de notre chère petite sœur. Je préfère miser son avenir sur mon… sur mon imbécile de cadet que sur ma propre… inconstance.”
“Fieffé Nuage… Père m’avait pourtant mis en garde contre les agissements apparemment erratiques de mon capricieux aîné. Sans doute… sans doute ne te comprendrais-je jamais vraiment, Jûza-chan…”
“C’est… préférable, petit frère. Te décevoir m’est beaucoup moins pénible dans ces conditions… *Aaaaaaack !!* Maintenant, Demi-Sang… si tu veux bien m’excuser : notre sœur… m’attend à Southern Cross.“
À suivre…
Jūza / Ma3va
Petite sœur
Petite sœur…
Aujourd’hui est peut-être la dernière occasion que j’aurai de te parler : mes éclaireurs m’ont rapporté que Raoh se rapproche de ces lieux à une inquiétante rapidité, aussi me faudra-t-il très vraisemblablement partir dès la fin de journée, conformément à ta requête de faire obstacle de ma vie à son inéluctable progression.
Ces deux derniers jours depuis nos retrouvailles m’ont permis de me remémorer des souvenirs dont je m’étais interdit jusqu’à la seule évocation, par trop pénible, tant Shin, en t’enlevant à Kenshiro, nous avait privé, lui et moi, de la seule femme que nous avions jamais aimée.
Nous avons grandi côte à côte, comme un frère et une sœur, sans jamais nous douter que c’est ce que nous avions toujours été l’un pour l’autre. Je revois, avec la même distinction aujourd’hui qu’à l’époque, le jour où papa t’a présentée à moi : je devais alors avoir à peu près quatre ans, mais je mis cependant tout le sérieux de mon jeune âge à m’acquitter de la mission qu’il m’avait précipitamment confiée avant de repartir pour nulle part.
“Occupe-toi de cette enfant comme tu le ferais de ta propre sœur. Veille sur elle comme sur ta propre vie, et assure-toi de subvenir au moindre de ses désirs : toujours, les hommes de cette famille ont respecté les femmes de leur vie comme elles le méritaient, et je place en toi tous mes espoirs quant à la succession de cette respectable lignée.”
Nul besoin de s’interroger sur la personne dont je tiens mon admiration sans bornes pour le beau sexe.
Et voilà qu’aujourd’hui, alors que le Goshasei avait sciemment répandu la rumeur de ta mort des mains de Shin afin de te dérober à l’attention de Raoh, je me retrouve une sœur que je croyais à jamais disparue, et que le champion autoproclamé de ce nouveau millénaire menace à nouveau de son inextinguible soif de conquête.
Protéger de ma vie celle que j’ai aimée, d’abord comme une sœur, puis comme une femme, et enfin comme un douloureux souvenir, et lui permettre ainsi de retrouver l’homme qu’elle aime, est, à n’en pas douter, le plus beau caprice que ma vie de Nuage m’ait jamais imposé : pour la première fois depuis que j’ai cru te perdre, je peux à nouveau vivre pour quelqu’un d’autre que moi. Nul besoin de te préciser que, de toutes les femmes pour qui, conformément aux dernières volontés de papa, j’ai nourri de sincères sentiments, toi seule pouvait me faire renoncer à la vie dissolue que j’avais menée jusqu’alors, mais que je ne regretterai jamais pour la chance qu’elle m’a offerte de te retrouver.
Mourir pour celle qui fut, est toujours, et restera à jamais la femme de ma vie, est pour moi plus qu’une simple requête de ta part. C’est là non seulement la moindre des choses que tu puisses demander à ton grand frère, mais aussi le plus beau cadeau que tu m’aies fait, après celui d’avoir grandi à tes côtés.
L’une des rares traditions à avoir survécu au New Bang veut qu’à sa mort, un homme se transforme en étoile pour protéger de sa chaleur et de sa bienveillance ceux qui lui sont chers. Sache que, si cela est vrai, toi seule profiteras de mon attention que, du ciel, je te donnerai tout autant que je t’en ai donné sur terre.
C’est désormais une certitude : Raoh passera demain par le Canyon Septentrional, le lieu idéal pour celui dont le Poing prétend entraver la route de l’impitoyable Hokuto Shinken.
Garde de moi le souvenir que j’ai toujours souhaité être à tes yeux : celui d’un grand frère qui, du jour où il t’a connu, t’as aimé comme nulle autre, t’aime encore aujourd’hui alors qu’il a rendez-vous avec son destin, et t’aimera à jamais.
Adieu, petite sœur.
Ton grand frère, Jūza, qui part de ce monde avec l’image et le souvenir de la seule et unique femme de sa vie.
Jūza / Ma3va
Pour la musique
Notes de l’auteur :
Pour la musique qui passe dans la nouvelle, c’est un morceau de classique, si vous voulez l’écouter voilà la référence:
Felix Mendelssohn Bartholdy : Les hébrides
Ouverture: La grotte de Fingal
L’histoire se situe quelques jours après la mort de Yuria mais un maximum de temps que je ne peux pas évaluer avant la venue de Ken (2 semaines je pense…)
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Le KING était assis sur son trône …
Sa posture me rappelait alors les images que l’on voyait dans les livres de contes pour enfant que l’on nous montrait avant l’Apocalypse…
Sa tête semblait trop lourde et il paraissait obligé de la soutenir de sa main droite… Il tenait un verre de vin dans son autre main… du vin, il n’y avait guère que le KING pour pouvoir boire du vin avec une telle désinvolture… Un roi des temps anciens… voilà l’image qu’il me rappelait… cependant il ne semblait plus aussi jeune qu’il ne l’était réellement, un vieux roi, son attitude le faisait sembler vieux… que de changements en si peu de temps. On ne voyait plus dame Yuria depuis quelques temps, selon ses servantes personnelles, elle voulait rester dans sa chambre… Étrange… Depuis que l’on a plus vue dame Yuria, le KING a changé… pourtant elle était bien là! Du moins le pensions nous… Mais je ne pouvais pas tout savoir, je n’étais qu’une courtisane du KING, mon rôle se limitait à rester debout dans la salle du trône, comme un mannequin ne servant qu’a mimer les attitudes des cours d’avant la catastrophe…
Quelle tristesse…
Pourquoi ? Je ne pouvais m’empêcher d’y penser…
Et cette musique… Combien d’innocents ont péris pour permettre au KING d’écouter de la musique… j’avais entendu dire que c’était le valet de carreau, Dia, qui c’était occupé de trouver cet antédiluvien tourne-disque… Quel être répugnant, il cachait sa laideur derrière un maquillage plus moche encore … Toujours à nous tourner autour!!! Quel misérable… Pourquoi le KING s’est il entouré d’êtres répugnants tels que lui…
Mais quelle est cette musique? Le KING semblait beaucoup l’apprécier… enfin… si tant qu’il apprécie encore grand chose… vu son regard mort…
J’étais complètement hypnotisé par son charisme, même là, en ayant l’impression de voir un être vidé de sa volonté, sa présence restait colossale!!
Il m’avait forcé à venir à Southern cross, sa ville, quand il me vit dans un village des environs, il avait massacré une bonne partie des miliciens à lui tout seul, mon père en faisait partie… Pourtant, j’avais l’impression de ne plus pouvoir lui en vouloir… Quand je regardais ses yeux, je tombe dans un abysse sans fond de tristesse, et je m’y noyais totalement…
“Hum, tu seras une courtisane de choix, non pas pour moi, mais pour ma cour même !!”
Ses paroles resteront à jamais gravées dans me mémoire… Pour lui je n’était qu’un objet!!! un objet vivant qui devait apporter de la vie à sa cour… de la vie à sa ville, à son royaume… Et puis je compris, ce n’était pas sa ville, ni sa cour, ni son royaume, tout cela il le bâtissait pour une femme, Yuria, Le véritable seigneur de cette nouvelle contrée!
Mais quelle était cette musique, alternant la tristesse semblable au regard du KING à la force de ses colères… Le disque sauta… cela sembla hautement déranger le seigneur… Celui ce leva et quémanda Spade, son valet de pique, celui qui s’occupait de la “protection” des frontières… quelle vaste blague, ce carriériste ne faisait qu’attaquer les villages hors des frontières pour les piller et essayer ainsi de s’approprier les honneurs de la “cour”…
Il était apparemment dérangé par l’approche d’une grande armée, il fallait se renseigner, le nombre de soldats, les dirigeants de l’armée, qui donc pouvait bien vouloir s’attaquer à l’invincible royaume du KING, le guerrier aux milles victoires? …
Les ordres donnés, il revint s’asseoir sans omettre de réclamer à ses serviteurs de remettre le disque en route et de lui servir un nouveau verre de vin… Sa contemplation silencieuse du lointain désolé reprit…
J’en étais encore à me demander quelle était cette musique…
“La grotte de Fingal”
Je ne pu rien dire, avait il lu dans mes pensées?
Non, son regard était toujours absent…
Il se parlait à lui même…
“Cela décrit l’Ecosse, un pays lointain, Dieu seul sait à quoi elle ressemble à présent…”
L’Ecosse… un pays faisant partie du Royaume uni, un pays occidental… voilà tout ce dont je me souviens du temps où la géographie existait…
“Un pays de landes, de grottes, et de guerres HA HA HA HA HA”
Les landes… parfois, je me demandais si son âme n’était pas une lande désolée… complètement désolée…
Les guerres étaient la vie du KING, les guerres et Yuria…
Mais que cachait-il dans les cavernes obscures de son esprit?
Pour les gens du commun comme nous, il était impossible de savoir… Il évoluait dans des sphères supérieures… Du moins c’était l’impression qu’il donnait…
La tristesse dans ses yeux était une preuve de son humanité…
Seul le KING du kanto pouvait écouter de la musique…
Et rire ainsi…
Un rire cruel et cassant… Riait il de lui même ou de ses centaines de victimes destinées à bâtir ce royaume à la gloire d’une femme, à boire du vin et à écouter de la musique…
Mais quelle musique…
Le soleil se couchait, j’allais pouvoir me retirer…
Je ne saurais jamais jusqu’à quelle heure le KING écouta la “grotte de Fingal”, combien de fois le disque rayé aura été écouté…
Combien de temps le KING se sera battu avec ses démons en observant la désolation de son Royaume….
Un seul être vous manque
Un léger vent glacial venu du nord souffle ce soir, pourtant le ciel est dégagé comme un soir d été, la pleine lune est là et éclaire cette nuit. Raoh est là… immobile, cheveux au vent, le regard dirigé vers l’horizon où au loin on peut apercevoir de la lumière qui jaillit d’un village libéré de ses pillards par Raoh. Cette fois-ci encore l’armée de notre seigneur a du faire couler le sang pour y parvenir. En tendant bien l’oreille on peut même entendre les cris de joie des villageois. Raoh du haut de sa falaise observe tout ceci dans un silence mortuaire. Il est seul, accompagné de Kokuō et de son plus fidèle soldat Fei Oh. Tout deux légèrement en retrait à une vingtaine de mètres derrière son seigneur.
Fei Oh était en plus d’être un grand soldat un grand homme intègre, droit et sincère. Agissant toujours avec une très grande sagesse, il est le soldat le plus fidèle et loyal envers notre seigneur Raoh. Les deux hommes se connaissent depuis leurs enfance, à l époque Raoh et Toki venait souvent dans le village de Fei Oh à la recherche de nourriture et autres biens pour le dojo. Fei Oh les aidait à transporter tout ceci jusqu’au temple. Une amitié s’était tissée entre ces 3 hommes. Lorsque Raoh décida de pacifié le pays et de créer une armée, il se mis en quête de Fei Oh pour lui proposer de l’épauler. Fei Oh accepta sans hésiter, voyant le chaos qui régnait après l’holocauste, il avait compris que Raoh était le seul homme capable de redonner l’espoir à ce monde détruit.
Il y avait entre ces deux hommes un profond respect. Il ne critiquait jamais critiqué la philosophie de Raoh, connaissant l’existence et les souffrances qu’ils avaient endurés, lui et Toki, il était admiratif devant la force et le respect qu’imposait son seigneur. Veuf depuis la mort de sa femme, massacrée par des pillards, il avait appelé deux de ses garçons, Raoh et Toki en hommage. Ce soir c’est son village qui vient d’être libéré, la plupart des gens qu’il connaissait sont morts ou massacrés avant sa libération. Alors forcément ce soir, cette énième victoire avait un goût spécial pour lui.
Raoh, le regard toujours fixé vers l horizon était là, seul tel une statue grecque, il avait enlevé son casque et ne disait mot. Sa cape cachait tout son corps. il avait demandé à Fei Oh de venir avec lui sur cette falaise sans lui expliquer la raison. Fei Oh alors n’avait pas bronché. L’armée était restée aux abords du village afin de surveiller les aller et venues.
Fei Oh savait que cette falaise était un lieu particulier pour Raoh et Toki. C’était là après leur arrivé de Chine que les deux enfants rencontrèrent pour la première fois le sage Ryûken , c’était ici que leur destin débuta, que la vie des deux jeunes garçons bascula. Raoh, Toki : deux frères, deux forces, deux philosophies, deux destins mais le même sang dans les veines. Raoh regarda en bas de la falaise et en fixant le vide se remémora cette fameuse journée où il se hissa à la force d une seule main avec Toki dans l’autre afin que leurs destins ne soit jamais séparés. Que de chemin parcouru par les deux hommes depuis…..
Les yeux de Raoh, qui était jusqu’alors baissés et fixés vers le bas de la falaise devinrent soudainement rouge et humide. Il les leva vers le ciel étoilé ou l’on percevait nettement la constellation de la Grande Ourse. Ce soir toutes les étoiles de la constellation était agitées. Raoh avait compris qu’il venait de se passer quelque chose de terrible, Raoh avait compris que ce soir son frère Toki venait de rendre l’âme. Fei Oh ne l’avait toujours pas compris, il réalisa seulement lorsque son seigneur Raoh enleva sa cape, ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il aperçu le costume traditionnel que porte les proches des décédés lors des funérailles. Il venait de comprendre pourquoi Raoh lui avait demandé de l’accompagner seul sur cette falaise cette nuit. Ses jambes commencèrent a trembler et il n’arrivait même plus à respirer correctement, ses palpitations devenant de plus en plus rapides.
Raoh lui les yeux fixés vers la Grande Ourse, ne pu retenir les premières larmes qui commencèrent à couler, lui aussi avait de plus en plus de mal a tenir debout. Désormais ses larmes étaient visibles elles coulaient le long de son visage. Raoh, lui le grand seigneur, celui que tout le monde craignait et respectait, l’homme le plus puissant sur ce pays paraissait désormais si humain, si faible , son visage avait changé il traduisait une certaine sensibilité, il avait rajeuni, on aurait dit qu’il avait le même visage qu’il y a une dizaine d’années. Une partie de lui même venait de mourir. Toki, ce frère qu’il aimait tant, qu’il respectait tant, celui qui l’avait aidé a surmonter la séparation avec son frère Kaiō et sa sœur, restés sur la Shura, celui pour qui il aurait donné sa vie n’était plus.
Raoh avait toujours cherché à donner l’exemple à Toki, tout ce qu’il faisait ou accomplissait était destiné à susciter l’admiration chez son jeune frère. Raoh aurait tellement souhaité que Toki passe ses dernières heures en sa compagnie, il aurait tellement aimé le serrer contre lui une dernière fois et lui dire combien il le respectait. Raoh dans sa tristesse ne lui en voulait pas pourtant ni à Toki ni à Kenshiro, il avait compris depuis longtemps que l’accomplissement de ses ambitions l’éloignerait irrémédiablement de son frère. Il savait aussi que Toki ne le cautionnerait pas dans sa démarche et que le destin de ce dernier était d’aider Kenshiro à se parfaire afin de tenir son rôle d’héritier. Cette trajectoire résumait à elle seule toute la vie de Toki, celle d’un énorme sacrifice de la part d’un homme unique prédestiné a devenir l’homme le plus fort du monde si le destin lui en avait laissé l’opportunité. Raoh venait de comprendre que la voie qu’il avait choisi était la mauvaise, elle l’avait éloignée de Toki et engendré que des morts et la peur. Partout où il allait il était obligé de faire couler le sang et les larmes en pensant que c’était la seule solution. Il savait aussi que Toki était sa seule raison de vivre et qu’avec la mort de celui-ci il ne pourrait plus trouver la paix de son âme. A quoi bon vivre dans une existence qui ne vous ressemble pas se disait-il, pourquoi le destin lui avait enlevé ce qui comptait le plus pour lui. Après la mort de ses parents et la séparation avec son frère Kaiō et sa sœur, c’était au tour de Toki de le laisser seul. Raoh savait au fond de lui , aussi fort soit il qu’il ne supporterait pas sa mort. La mort de Toki venait de sceller son destin, il aurait préféré se donner la mort ce soir, mais il compris que la meilleur chose à faire était de poursuivre l’oeuvre de Toki. Il devait aider Kenshiro à atteindre le stade ultime de son art, quitte à se sacrifier. C’est ce que Toki aurait souhaité. Raoh avait été durant toute sa vie un modèle pour Toki mais cette fois-ci Raoh allait inverser les rôles et se plier au souhait de son jeune frère. Avec tant de tristesse, Raoh s’écroula pour se retrouver prostré à genoux sur la falaise. Les deux mains posées sur le sol, il laissa ses larmes tomber sur le sable. Le léger vent transporta l’une d elles jusqu’à Kokuō qui s’approcha doucement de son maître, arrivé à sa hauteur il commença à lui lécher les larmes de ses joues d’un geste large. Raoh regardait désormais le ciel à genoux, il leva son poing vers le ciel et s’écria :
“Toki, désormais je n’ai plus de raison de me battre”
A ce moment là, une main se posa sur l’épaule de Raoh, son seigneur n’eut pas besoin de se retourner pour comprendre que c’était celle de Fei Oh. Le visage de Fei Oh était aussi en larme, pour lui aussi la mort de Toki était une tragédie, il savait le profond respect que Toki suscitait chez Raoh mais aussi chez lui. Toki faisait aussi parti de sa vie par le fait qu’il avait grandi en sa compagnie avec celle de Raoh.
Fei Oh avait aussi compris que désormais Raoh n’avait plus de raison de vivre malgré les conquêtes qu’il restait à accomplir. Il rompit ce silence:
“Raoh, ces larmes qui coulent sous nos deux visages peuvent vous paraître comme des faiblesses, mais il est encore possible d’en faire une force. Je ne pourrais pas vous empêcher d’en finir vous même avec vos jours mais vous savez très bien que Toki aurait souhaité que vous aidiez Kenshirō à se révéler à lui même, quitte à offrir votre vie pour cela. Ensuite vous pourrez rejoindre votre frère qui vous attendra là-haut avant !”
Raoh ne répondit rien, mais son silence faisait office de soumission à cette dernière volonté de son frère. Fei Oh fit de même que Raoh, il tomba à genoux et tout en mettant ses mains sur ses genoux regarda le ciel et continua a pleurer.
Plus loin aux abords d’une grotte, en plein air, un homme se tenait en position du tailleur, scrutant le ciel avec des yeux humides lui aussi, c’était Kōryū lui aussi avait compris que Toki venait de s’éteindre et ne pu empêcher des larmes de couler et de lâcher avec une pointe de tristesse et de fatalité:
“Pourquoi un homme aussi fort et bon a t-il hérité d’un destin aussi terrible ??”
Au sein du clan Nanto, l’heure aussi est au recueillement. Yuria accompagné du Maître des Océans, de Fudō, et des étoiles du Nanto scrutent le ciel du haut de la tour du palais. Le Maître des Océans s’avança au bord de la rambarde et s’adressa aux autres membres de la cité, environ 100 000 personnes qui étaient tous en bas :
“Ce soir, je vous demanderais de vous recueillir en l’honneur d’un grand homme du clan Hokuto. Toki nous a quitté ce soir mais je compte sur vous pour faire vivre sa légende par les temps”
Un peu plus loin au sein du palais de Jūza, la fête qui devait avoir lieu a été annulé par Jūza lui même, il a fait évacué sa demeure pour pouvoir se recueillir en silence. Lui aussi ne peut retenir ses larmes devant la mort d un tel homme.
Nous sommes maintenant en Chine, sur l’île de la Shura, son seigneur Kaiō accompagné de sa soeur et du seigneur Hyō est à genoux devant la tombe de sa pauvre mère, bien qu’il n’ai pas revu Toki depuis leur enfance, il ne l’avait pas oublié et ne peut par conséquent empêcher de laisser couler ses larmes sur son visage marqué par de la tristesse. Il murmura les dents serrées :
“Pourquoi le destin s’acharne t-il sur notre famille, ne pouvait-il pas nous laisser vivre paisiblement ???????? pourquoi notre vie n’est-elle qu’une suite tragique de décès et de souffrance ???? quand s’arrêtera ce calvaire ???”
Sa sœur elle aussi ne peut s’empêcher de pleurer et de regretter leurs séparation elle s’écria avant d’éclater en sanglot sur Kaiō :
“Toki, mon frère ton âme restera a jamais gravée en nous”
Hyō prostré à côté d’eux, voyant tout cela compris alors qu’un homme capable de faire pleurer le grand Kaiō ne peut être qu’un grand homme. Il leva le regard et s’exclama:
“J’aurais tellement voulu rencontrer un tel homme”
Surplombant cette scène, Le grand Maître Jūkei observe le recueillement de ses deux disciples, lui qui avait juré de ne plus venir aux abords de la tombe de la mère de Kaiō. Il avait peur de ne pas pouvoir contenir la tristesse et les larmes qu’il avait dissimulé depuis tant d’années devant la tombe de celle qui avait donné sa vie pour sauver Hyō et Kenshiro.
Cette fois-ci, la scène est trop forte pour lui, debout, derrière en hauteur et hors de la vue de ses disciples il se mis à pleurer tel un enfant. Lui le grand maître du Hokuto Ryūken qui porte à lui seul le fardeau de la séparation des 6 enfants ne peut s’empêcher de lâcher:
“Tout ceci est arrivé par ma faute, je n’aurais jamais du les séparer, je dois réparer mon erreur quitte à payer de ma vie”
Il se mis aussi à genoux et enleva sa cape, lui aussi tout comme Kaiō et Raoh avait revêtu le costume traditionnel que porte la famille des défunts lors de l’enterrement, car après tout c’était quelque part l un de ses enfants qui venait de disparaître:
“Toki, puisse ton dernier voyage s’accomplir paisiblement, je te rejoindrais bientôt pour pouvoir à nouveau te serrer dans mes bras”
La nuit se prolongea dans le silence, et la lune continua à éclairer cette terre qui venait de perdre l’un de ses grands hommes.
TOKI WA MUTEKI
Le Silver Dome
La journée était bien entamée. Malgré un soleil rayonnant, ils faisait bon. De légers petits filets de vent faisaient claquer un drapeau, posé sur le toit en ruine d’un énorme bâtiment. Bien qu’en piteux état, on pouvait encore lire “Le Silver Dome” sur les restes de cette imposante construction. C’était le nom du grand stade qui accueillait les rencontres de base-ball, bien avant l’holocauste. Curieusement, il régnait encore une forte agitation à l’intérieur. Des cris, des rires, se faisaient encore entendre. Cela ne venaient pas de spectateurs assistant à un match, mais de la horde de pillards qui y avait pris ses quartiers. Sur la surface de jeu, on pouvait y voir un nombre important de bandits, qui vaquaient à des occupations diverses. La majorité des voyous bavardait autour de minis bivouacs, d’autres s’exerçaient au tir à l’arc et au lancé de couteau, d’autres encore ingurgitaient leurs rations du jour, nettoyaient leurs motos, ou faisaient tout simplement la sieste.
Dans un recoin du stade, à l’ombre et éloigné de toute cette agitation, un petit groupe d’homme s’afférait à une drôle d’occupation. Daemon, le capitaine et responsable de cette petite armée, était assis sur une chaise en toile pliante face à un mur, une batte de base-ball à la main. Entouré de ses meilleurs guerriers, il s’amusait à écraser des lézards des sables qui parcouraient le mur, en frappant des petites pierres à l’aide de sa batte. A chaque fois qu’il touchait une de ces pauvres petites bêtes, Daemon poussait un petit gloussement de plaisir. Il frappa son dernier projectile, et fit mouche. Le corps fracassé du petit lézard, tomba sur le sol sableux, laissant une tache brune supplémentaire sur le mur. Voyant qu’il n’avait plus de pierres, le capitaine s’énerva et s’adressa à ses hommes :
“Des pierres ! Apportez moi encore des pierres, et que ça saute !”
Daemon était quelqu’un d’autoritaire, comme tout chef de bande qui se respecte. A la différence près, qu’il cédait facilement à des crises de folie. Ses hommes le craignaient, surtout quand il était en pleine crise. Il était même fréquent qu’il tue sous la colère, un des ses sbires, si ses ordres n’étaient pas exécutés, ou ses désires exaucés. Deux punks ramenèrent des pierres en grandes quantité, et en firent un tas près de leur chef. Toujours assis sur sa chaise, Daemon attrapa une des pierre. Il la soupesa, puis regarda un de ses lieutenants :
“Zerk ! Je commence à me lasser de ce petit jeu. Et je crève d’envie de me jeter un godet au saloon de la capitale. Es-tu certain qu’il ne reste plus de gnôle ?”
“Certain, maître Daemon. Vous avez terminé la dernière bouteille.”
Mécontent, Daemon lança la pierre qu’il avait dans la main.
“Qui attendons nous, encore ? Toutes nos recrues ne sont elles pas encore là ?”
“Tous les gangs sont arrivés, il ne reste plus que la bande des Hell’s Hammers. Ils ne devraient plus tarder maintenant. Il serait dommage de lever le camp sans le gang de Sledge. C’est un des gangs les plus puissants, c’est pour cela que le seigneur King tient à l’avoir dans ses rangs.”
“Des pouilleux oui ! Ils vont regretter de m’avoir fait poireauter. Et ce Sledge va comprendre qui commande.”
Daemon en plus d’avoir un sale caractère, avait un look assez excentrique qui le distinguait aisément des autres punks. Déjà il était de grande taille, et portait un long manteau orange avec des carreaux rouges brodés dessus. Le carreau, est l’une des 4 couleurs des jeux de cartes, avec le trèfle, le pique, et le cœur. Ces symboles sont utilisés par les 4 généraux, ou “valets” du King. Tous les pillards servants sous les ordres du King, ont un tatouage d’une des 4 couleurs sur le front. Daemon et ses sbires ne faisaient pas exception. Daemon avait un carreau rouge sur le côté droit de son front. Il était facilement visible, car son visage était couvert d’une sorte de poudre blanche. De plus il avait maquillé ses yeux. Son œil droit était coloré en jaune, alors que son œil gauche était coloré en vert. Le maquillage de ses yeux se terminait par une fine pointe jusqu’à chaque tempe. A le voir comme ça, on aurait dit que Daemon portait de petites lunettes. Sa coiffure aussi était peu commune. Il portait la crête traditionnelle du punk, de couleur verte pour lui, avec deux autres petites crêtes teintées en rose sur les côtés. Daemon reprit son jeu, mais visiblement agacé il ne touchait plus aucun petits reptiles. Sa maladresse lui fit faire des drôles de grimaces. Assoiffé, il passa sa langue sur ses lèvres bleues, tout en maudissant le leader des Hell’s Hammers.
Les sentinelles étaient placées stratégiquement, afin de couvrir aussi bien le Sud et le Nord, que l’Est ou l’Ouest. Des hommes avaient pour missions de garder l’accès principal du stade, qui se trouvait au Nord. D’autres étaient positionnés sur le toit, et faisaient les cent pas dans leurs zones de surveillance. Visiblement ennuyé par ce tour de service, un des punks chargé des zones Nord et Est, quittait de temps à autre l’horizon du regard, pour regarder les mercenaires ce prélasser à l’intérieur du stade. Quand tout un coup un petit nuage retint l’attention du garde. Le petit nuage venait du Nord. Plus il avançait, plus il semblait grossir. Ce n’était pas une illusion de sa part, car les autres gardes remarquèrent également le phénomène. Le nuage poussiéreux avançait à grande vitesse, et bien dans leur direction. Ce nuage provenait d’une horde motorisée, les gardes en étaient certain maintenant. Personne de donna l’alerte, pensant que c’était le gang des Hell’s Hammers qui arrivaient. Puis l’un des guetteurs remarqua une drôle de silhouette à la tête de la horde. Ce n’était ni un motard, ni un buggy. Intrigué, le garde se concentra et découvrit avec surprise, que la silhouette était en fait celle d’un cavalier. Un homme ténébreux montait un énorme cheval noir, et piquait droit sur le stade, accompagné par une armée de motards. Ce n’était pas la bande des Hell’s Hammers, et encore moins le gros Sledge qui était à la tête de cette petite armée. Le garde pétrifié par cette vision resta un long moment immobile, incapable de faire le moindre mouvement En fait, ce sont les gardes de la porte qui ont donné l’alerte. Ils se mirent à courir à l’intérieur du stade, tout en criant. Mais c’était trop tard. Les troupes du seigneur Ken’oh étaient presque déjà aux portes. Les sentinelles placés sur le toit étaient déjà morts, criblés de flèches. Les hommes de Raoh entrèrent dans le stade, et attaquèrent sans sommation les mercenaires pris au dépourvu.
L’armée de Raoh prit vite l’avantage sur les mercenaires désorganisés. Afin de terminer le travail plus vite, Ken-Ō laissa le plus gros de sa garde, prendre part au combat. Raoh décida de se mettre à l’écart avec juste quelques uns de ses gardes du corps, en attendant la fin des combats. Du haut de sa selle, Raoh regardait sans grande attention, le déroulement de la bataille, quand un petit “clic” se fit entendre. Trois ombres surgirent derrière Raoh et ses sbires, puis trois autres devant eux. Les quatre gardes du corps de Ken-Ō n’eurent pas le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Ils s’écroulèrent transpercé par des carreaux d’arbalètes. Les ombres s’avancèrent, et le Roi du Hokuto se trouva encerclé par six punks. Le plus grand des agresseurs faisait face à Raoh, et ressemblait à un clown complètement déjanté. Daemon eu un petit rictus, et claqua des doigts. Les trois punks placés à l’arrière se mirent à courir vers le cavalier, tout en criant. Sur les trois assassins, deux avaient une hache et un sabre, alors que Zerk était armé d’une longue chaîne avec un poids à l’extrémité. Raoh ne détourna pas la tête pour autant, et fixait toujours Daemon. Les punks allaient atteindre Raoh dans le dos, quand Kokuō exécuta une magnifique et puissante ruade. Les deux premiers bandits se prirent les fers du cheval en pleine figure, et s’écroulèrent mort. Zerk avait lui réussit à esquiver de justesse les sabots mortels, en se décalant sur le flanc droit de Kokuō. Visiblement encore choqué, Zerk ne pu éviter le poing de Raoh. Ken-Ō ne quittait pas du regard Daemon, tout en décapitant de son poing droit le troisième punk. Daemon écarquilla ses yeux peints, puis reclaqua des doigts. Voyant que ces deux derniers hommes ne réagissaient pas, Daemon se mit à crier :
“Allez y, tuez le !”
Les deux punks se mirent à crier pour se donner du courage, puis se mirent à courir dans la direction de Raoh. Le Roi du Hokuto lâcha les rennes de Kokuō, serra les poings, et arma ses bras. Sous le choc des poings de Ken-Ō, les punks décollèrent du sol, pour se retrouver plusieurs mètres plus loin, la cage thoracique défoncée. Daemon en resta sans voix. Une poignée de secondes s’écoula, et le clown démoniaque reprit ses esprits. Tout en gloussant, il attrapa des bâtons de bonnes longueurs, qui étaient placés dans son dos, et camouflés par son manteau. Il les emboîta, puis serra jusqu’à entendre un petit “clic”. Daemon se mit à rire. Un rire fort et aigu, tout en faisant tournoyer son bâton au dessus de la tête. Le bâton géant tournait de plus en plus vite, faisant siffler de les extrémités métalliques. Plus le bâton tournait vite, plus Daemon riait comme un psychopathe. Puis s’adressant à Raoh :
“Enfoiré ! Tu vas me le payer ! Tu ne sais pas à qui tu as à faire. Je suis Daemon, je fais partie des troupes délites du King. C’est son plus fidèle valet, mon maître Diamond qui dirige les arlequins, et je suis un de ses meilleurs disciples. Ahihihihihihihih ! Tu vas mourir étranger ! Je m’en vais de ce pas te fendre le crâne !”
Sur ces dernières paroles, Daemon chargea Raoh, les yeux injectés de sang. Raoh tendit juste ses bras, les paumes de ses mains ouvertes. Au même moment Daemon sauta en l’air, et se heurta de plein fouet à un mur invisible. Le choc fut si violent, que le clown s’écrasa sur le sol les os en miettes.
“Imbécile”
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Daemon n’était pas mort. Comme un pantin désarticulé, il tenta de se relever. Raoh fit avancer Kokuō dans sa direction. Le capitaine ennemi réussit à se mettre à genoux avec beaucoup de difficultés. Quand il vit avec terreur le sabot droit de Kokuō lui écraser le visage. Toujours à genoux, Daemon posa ses mains sur la patte du cheval. Il essaya de dégager le fer de son visage, en vain. Kokuō appuyait doucement, mais progressivement son sabot. Le dos de Daemon se plia dangereusement, et sa colonne vertébrale risquait de se rompre sous le pression du sabot. Puis Raoh s’adressa à Daemon :
“Tu vas répondre à mes questions, clown ! Cet étendard blanc avec une croix sanglante, celui là même qui flotte sur le toit. C’est celui d’un dénommé King ?”
D’une petite voix, Daemon répondit :
“Arrggh ! Ouuuuiiii !”
Satisfait de la réponse, Raoh fit avancer Kokuō, qui abaissa d’un coup sec sa patte. Écrasant et brisant en même temps la figure et la colonne vertébrale de Daemon. Après le passage de Kokuō, le disciple de Diamond, ne ressemblait plus qu’à un amas de chairs sanguinolentes.
Pendant ce temps, la bataille était terminée. Les troupes de Ken-Ō n’ont fait aucun prisonnier. La garde personnelle de Raoh, s’empressa de rejoindre leur seigneur. Découvrant les cadavres autour de leur maître, les soldats posèrent un genou à terre, puis s’inclinèrent. Le capitaine de la garde fit un pas en avant, puis s’inclina lui aussi.
“Seigneur Ken-Ō, pardonnez nous de ne pas vous avoir protégé. Cette racaille n’était pas digne de vous affronter, et nous avons négligé votre sécurité.”
“Debout capitaine, rassemblez les hommes. Nous sommes dans la bonne direction. Nous touchons au but, Southern Cross est à portée de main. Bientôt le King ne sera plus. Le règne de Ken-Ō commence !”
Un petit sourire se dessina sur le visage de Raoh. Ken-Ō le conquérant était content de sa journée.
Le tueur aux cheveux d’ange
La Grande Ourse commence à briller derrière les barreaux. La nuit est tombée, dehors. Le mur suintant de sa cellule soutient son dos meurtri. Des ombres sinistres assombrissent son visage autrefois si doux. Il attend, encore. Un jour de plus vient de s’écouler. Ces barres de fonte, il pourrait pourtant les briser; ce ciel, il pourrait l’ouvrir en deux.
Car de tous les enfants de la Grande Ourse, il est son préféré : le seul à pouvoir toucher de sa main les étoiles… mais il préfère attendre.
Car il doit attendre. Une fois de plus, il se plie aux désirs de la fatalité. Malade, tremblant, pourrissant sous la vermine au fin fond de cette tour, il attend.
Car il sait que rien dans l’univers, pas même Raoh, ne peut aller à l’encontre de la volonté céleste. Il sait que l’Héritier viendra un jour le libérer, et que s’accomplira bientôt ce qui est écrit dans les étoiles depuis la naissance de l’univers.
Son nom est Toki, il est l’ultime pratiquant du Hokuto Shinken.
Un art millénaire, créé pour tuer. Une savante utilisation des membres et des poings pour neutraliser ou détruire le corps de l’adversaire de l’intérieur, aboutissant à l’explosion irrémédiable des organes internes par simple pression des points vitaux. Un art si redoutable qu’un seul homme est autorisé à le pratiquer. Toki aurait du être l’héritier, s’il n’avait sacrifié sa santé au profit des innocents lors de la Grande Explosion. Deux mégatonnes d’uranium, un vent centripète de cent kilomètres heure auxquels il résista, auxquels il survécu les deux pieds fermement ancrés dans le sol pour protéger l’innocence. Mais son corps martyrisé, prématurément vieilli, sa chevelure blanchie par les radiations ont réduit le loup à l’état de chien. La maladie le ronge. Ses cheveux sont maintenant longs et blancs, comme ceux d’un messie fatigué. Son art est celui de tuer, mais il n’a jamais voulu l’utiliser que pour soigner. Toki, l’homme que tout le monde aime, que tout le monde respecte.
L’homme que tout le monde craint.
Il aurait du être l’héritier, mais il ne s’est jamais plaint de son éviction. De tous, il était celui qui avait le mieux saisi l’essence du Hokuto : son corps bougeait plus vite que le vent, son poing traversait la pierre, mais la violence le répugnait. Toki voulait créer, et non détruire. Toki voulait guérir, et non tuer. Assassin pacifiste, son corps est malade mais son poing ne l’est pas, voila pourquoi on l’a emprisonné. Raoh, ton frère, Roi du Poing à l’ambition démesurée t’as enfermé ici, dans sa Tour de Cassandre gardée par les jumeaux géants au mur de fils infranchissables. Car il sait que, de tous, toi seul peux le menacer.
– DEBOUT !
Un grincement sinistre : la lourde porte en fer vient de s’ouvrir sur la cellule. Encore un de ces hommes convaincus de leur puissance, encore un de ces pantins sans technique dont la force s’évapore à chaque coup comme la fumée se disperse dans l’atmosphère. Toki ne daigne même pas le regarder. Il a déjà rencontré beaucoup de ces hommes, de ces géants au corps d’acier et aux muscles saillants devenus des enfants face aux dieux quand la folie ou l’inconscience les pousse à affronter les maîtres des écoles célestes.
– LÈVE-TOI, ET BATS-TOI !
Un murmure, presque inaudible.
– Pourquoi… toujours cette violence, intarissable…
Le géant s’approche, le sourire aux lèvres.
– MONTRE MOI LE POING QUE CRAINT TANT NOTRE ROI.
– Le poing du Hokuto est sacré, l’étoile ne brille que pour ceux qui méritent de la voir.
– BATS-TOI !
Un poing file dans les airs et s’écrase contre le mur. Toki ne bouge pas. Il savait, avant même qu’il ne soit porté, que le coup ne l’atteindrait pas. Une pierre du mur s’effrite sur son épaule.
– Tue-moi, ou va-t-en.
– LÈVE-TOI, JE NE ME BATS PAS CONTRE UN HOMME À TERRE !
– Si je me lève, je devrais t’offrir une mort que je ne souhaiterai pas à mon pire ennemi.
– LE HOKUTO… C’EST BIEN ÇA ? DONNE-MOI TON SECRET ! DONNE-MOI LE SECRET DU HOKUTO !
– Non. J’ai renoncé au versant dévastateur de cet art.
– BIEN, PUISQUE MON POING NE T’IMPRESSIONNE PAS, PEUT-ÊTRE QUE CENT POINGS DÉTACHERONT TON DOS DE CE MUR !
Un sifflet retentit dans toute la tour. En l’espace de quelques secondes la cellule se remplit de gardes. Toki ne bouge toujours pas.
– TUEZ-LE. LENTEMENT, MEMBRE APRÈS MEMBRE. PEUT-ÊTRE QU’IL SE DÉCIDERA A NOUS MONTRER LE SECRET DU HOKUTO, ET ALORS NOUS POURRONS AFFRONTER RAŌ ET RÉGNER SUR LE MONDE !
Un premier coup, une lance jetée sur Toki. Un mouvement de tête lui suffit pour l’esquiver. Une pluie de lames s’abat sur lui; quelques gestes imperceptibles les brisent dans leur élan. Toki demeure toujours assis.
– Vous souhaitez vraiment connaître le secret du Hokuto ?
– OUI, DONNE LE NOUS !
– Qu’il en soit ainsi.
Toki se lève enfin, lentement, sans panique, avec cette sérénité et cette confiance aveugle propre à tous les maîtres de son art. Ses yeux sont fermés. Une lumière naît dans la paume de sa main, contaminant ses doigts. Des sourires se dessinent sur les visages des gardes. Leur prisonnier commence à bouger les bras d’une grâce peu commune, exécutant des mouvements antiques et sacrés dont la précision n’a d’égal que chez une poignée de ses semblables. Nul dans cette cellule ne peut comprendre leur signification, aucun d’entre eux ne saurait comprendre comment l’incroyable potentiel d’énergie propre au corps humain voyage dans chaque cellule du corps de Toki pour se concentrer dans ses bras, ses mains, puis finalement dans ses doigts, pour les rendre plus durs que le diamant. Ses yeux s’ouvrent, les sourires s’effacent.
Toki a disparu.
– RETROUVEZ-LE ! IL S’EST ENFUIT !
La panique règne soudainement : les gardes inspectent les ténèbres, quand sa voix douce et apaisante retentit.
– Ne me cherchez pas. Je suis là.
Tous se retournent comme un seul homme. Toki est derrière eux. La porte est toujours ouverte, mais il n’a pas fuit.
– IMBÉCILE ! C’ÉTAIT TA SEULE CHANCE !
– Non. C’était la votre.
Les corps se tordent, comme des pantins désarticulés, exécutant des gesticulations improbables. Une migraine terrible s’empare soudainement du geôlier. Tous portent simultanément leurs mains à leur tête, pour trouver de profonds trous sur leurs tempes autrefois lisses et plates.
– QU’EST-CE QUE TU NOUS AS FAIT ?
– Comme vous le souhaitiez, je vous ai montré le secret du Hokuto Shinken. Le prix à payer est la mort.
– MA TÊTE ! ELLE GONFLE !
– J’ai touché vos points vitaux. Mes doigts se sont enfoncés dans vos tempes pour atteindre le centre nerveux régissant votre cerveau. Tout le sang de votre corps va affluer vers votre tête jusqu’à l’engorger et la faire exploser. Plus rien au monde ne peut vous sauver.
– NON, C’EST IMPOSSIBLE ! TU N’AS PAS BOUGÉ !– Mon corps a bougé trop vite pour vos yeux, je me suis déplacé parmi vous comme j’aurai couru dans un musée de cire. A présent sortez d’ici, mourrez dehors et laissez-moi en paix. Réjouissez-vous : vous ne souffrirez pas.
Les gardes s’agitent, courant en tous sens comme des volatiles décapités. Leur cuir chevelu, comme animé d’une vie propre et indépendante, ne cesse de remuer en formant des cloques. Pourtant, comme promis, ils ne ressentent aucune douleur : il semblent même heureux, comme béats d’extase. Le Hokuto est la clé pour ouvrir la porte des enfers, mais Toki l’utilise pour ouvrir celle du Paradis. Son cœur est imprégné de pitié ; de tous les assassins, il est sûrement le plus clément. Les gardes s’enfuient tous par l’ouverture restée béante, pendant que Toki ferme la porte derrière eux pour retourner s’asseoir sur le sol. Une succession d’explosions organiques retentit dans les couloirs. Aucun ne crie, aucun n’a mal. Toki tue dans l’extase.
Une fois de plus il a du recourir à l’Art Interdit, une méthode de combat millénaire si dangereuse qu’un seul homme, son frère, est autorisé à l’utiliser. Pour se défendre, une fois de plus, il a du violer la loi suprême du Hokuto Shinken; mais Toki doit survivre, par tous les moyens. Son rôle est déterminant dans le destin du Hokuto : Toki doit vivre pour que l’Héritier vive. Son destin doit s’accomplir en son temps. Le Fils de la Grande Ourse viendra un jour, et c’est à ce moment-là qu’il devra se sacrifier pour lui montrer la voie, pour lui apprendre la seule façon de vaincre le roi du Hokuto en l’affrontant lui-même. Car le Hokuto ne s’apprend pas avec des livres ou des paroles, il s’apprend sous les coups et dans la tristesse. Cette nuit-là l’Étoile de la Mort brillera au-dessus de sa tête, et la Grande Ourse pleurera la disparition de son fils préféré. L’essence du Hokuto ne réside pas seulement dans la puissance et la victoire, mais dans l’acceptation fataliste de sa destinée.
Voila pourquoi, quand le temps sera venu pour les étoiles, Toki mourra pour donner à l’Héritier sa dernière leçon.
Un ami de Toki
En Une petite pièce vide de tout matériel, excepté d’un lit délabré. Madjïd, est allongé sur un lit, souffrant, atteint d’un mal incurable contracté sur un champ de bataille. Le moindre petit mouvement est un calvaire pour cet homme fatigué, mourant. Soudain, une silhouette fait son apparition, il s’agit de son ami Toki. Il vient lui rendre visite.
Madjïd (il tousse)
– Toki, enfin tu es venu !
Toki
– Enfin !! Je suis venu hier, avant-hier, je viens toujours mon cher ami !
Madjïd
– Alors, quelles sont les nouvelles au temple, comment va Eïji et Sakaï…
Toki
– Tu parles de tes anciens collègues, ils vont bien. Mais la surveillance du temple n’est pas une tache facile, c’est pour ça qu’ils ne peuvent venir te voir. En plus Ryûken à fait renforcer la sécurité ces derniers temps, il y a sûrement quelque chose qui se prépare, mais je ne sais pas quoi exactement.
Madjïd
– J’espère que cela ne présage rien de mauvais…
Toki
– Je ne sais pas quoi te répondre mon ami. Mais Ryûken nous a confié à Kenshiro, Jagi, Raoh et moi, de combattre des personnes expérimenté.
Madjïd (soucieux)
– Combats traditionnels, une lutte sans limite à mort, pfff…
Toki
– Oui, mais on y est préparé depuis tous jeune !
Madjïd
– Tu sais Toki, tu as un talent inné ! Celui de soigner et de soulager les gens malades, la voie d’héritier ne te correspond pas ! Tu m’as épargné un lot de souffrance grâce à ta maîtrise médicinale du Hokuto Shinken, pourquoi ne pas poursuivre tes efforts vers ce but, au lieu de penser à devenir Toki (qui coupe Madjïd)
– Oui, mais on y est préparé depuis tous jeune. De plus j’ai fais une promesse à mon grand frère…
Madjïd on discutera plus tard, je dois partir.
Madjïd
– Je ne m’inquiète pas pour ton combat…
Toki se lève et quitte son ami. Il part dans un sentier sinueux.
Dans un lieu calme et vide de toutes agitations urbaines. Deux combattants charismatiques se font face. Ils observent les règles de saluts. La droiture est de rigueur chez ces hommes, pas un mot de plus et le combat commence. Les postures ainsi que les techniques utilisées sont remarquablement appliqués, nous sommes témoins d’enchaînements, de parades, de contres, c’est un duel fascinant. Ce sont deux combattants qui ont chacun l’étoffe de futurs maîtres. Toki et Imkaï livrent une lutte acharnée…
A plusieurs lieux de là, Madjïd se meurt, il est pris de violentes toux, il essaye de s’accrocher à la vie, mais il sent sa dernière heure arrivée. Dans cette pièce délabré, il est seul, sans parents, ni amis. Il va mourir.
Sur le lieu du duel, Toki et Imkaï ont stoppé leurs rythmes effrénés, pour laisser place à un moment d’observation. Le visage sympathique de Toki se transforme en celui de quelqu’un de déterminé. Celui-ci attaque avec plus de précision et de puissance, des zones mortelles sont visées. Imkaï est débordé, il commence à être touché. Au bout de plusieurs frappe sont corps est blessé à divers endroits, bras, jambes, torse, visage. Mais, ce dernier est encore debout. Il va essayer de renverser la situation avec une botte secrète, un coup de poing brûlant, enflammé. Mais c’est sans compter l’extrême habileté et l’esquive de Toki. Toki passe sur le côté et met à terre Imkaï.
Ce dernier, constate son infériorité. Il est éprouvé, essoufflé, mais il rassemble ces dernières forces pour un ultime essai. Cette fois-ci c’est un coup de pied enflammé qui vise la tête de Toki. Encore une fois, ce coup est stoppé. Une contre attaque est alors lancé, Toki blesse son opposant à la gorge, et enchaîne d’une série de coup de pied sauté au torse.
Parallèlement au massacre d’Imkaï, sur un autre lieu d’agonie, Madjïd se meurt de plus en plus.
Imkaï s’effondre, du sang gicle de son corps mutilé. Au même moment Madjïd succombe. Toki, salut et quitte les lieux du duel.
Un peu plus loin, Ryûken apparaît, et dis :
Ryûken
– Tu es un prodige Toki. Jamais je n’ai vu chez un jeune aspirant, autant de sérieux et de réussite. Ta technique est meurtrière, parfaite…
Juste après le combat, Toki rejoint la demeure où repos Madjïd. Il est devant la cabane, puis rentre pour annoncer son succès à son ami. Il pousse la porte.
Toki
– Madjïd, j’ai réussi le test de Ryûken !
Pas de réponse, Toki à un mauvais pressentiment et s’approche du corps de son ami. Il découvre un homme mort, sans doute d’une hémorragie, le sang sur la bouche du cadavre, le laisse penser.
Toki (troublé)
– Je vais te soigner ! Attend ! Ne meurt pas !
(Un long silence…)
– Tu as raison, être héritier n’est pas une fin en soit ; j’ai bien assez de frère qui veulent le devenir.
– D’après toi Madjïd, je suis capable d’aider les gens ??
– Repose en paix mon ami.
C’est ainsi que l’un des quatre aspirant, peut-être le meilleur, se désiste et laisse sa place.
DZT CID
Les meilleurs ennemis
Au delà des montagnes du nord du Japon, dans un lieu isolé de la civilisation environnante, se tenait un temple imposant, à l’architecture oriental des plus formidables. Les rayons du soleil traversaient les voûtes de la toiture dans une merveilleuse harmonie aux teintes chaleureuses. Des statues titanesques de grands maîtres d’art martiaux gardaient les entrées et les sorties du temple. Elles imposaient une terreur imaginative, illustration d’un grand pouvoir surpassant la conception humaine. C’est dans ce lieu plus grand que nature que 108 disciples pratiquant l’art divine du Nanto mettaient à l’épreuve leur corps dans des entraînements intensifs, souvent cruels.
Parmi les échos vrombissants qui parcouraient les larges espaces du temple se distinguaient les cris de douleur d’un jeune garçon aux cheveux blonds, percutant avec hargne ses poings sur une planche de bois massive. Ses doigts crispés et écorchés étaient devenus bleus alors que s’étendait une hémorragie interne, mais il frappait toujours, sans arrêt, supportant la souffrance comme peu d’hommes se permettaient de souffrir. Ses doigts tendus comme pour déchirer étaient si enflés qu’il ne lui était plus possible de les replier.
Un coup, deux coups, trois coups, quatre coups, cinq coups… Cinq coups à la seconde qu’il donnait, il était non seulement en transe morbide, mais tout l’énergie de son corps se vidait… “Aïe“, un réflexe de douleur ralentit sa cadence, ce qui n’était pas acceptable pour son maître, qui lui agrippa le bras sauvagement : “Ce n’est pas fini !! Frappes encore !“; et le garçon reprit… Un coup, deux coups, trois coups, huit coups, quinze coups… Encore une seconde faute, mais son maître n’avait plus de patience… Ce dernier lui tira la main et la fracassa sur la planche de bois, fracturant les os et faisant éclater l’enflure provoquant un grand jet de sang. “Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarr…rrgh…”
Le jeune garçon continua à frapper avec ses mains inertes; un coup, deux coups, trois coups, quatre coups, cinq coups… Mais à cet ultime poing, il sombra dans les vapes, inconscient et s’effondrant dans les bras de son maître. Celui qui était le plus terrible des monstres quelques secondes plus tôt se changea d’un coup en le plus amical des pères : “Je suis fier de toi, fils, le destin d’un général du Nanto n’est pas facile et tu dois le comprendre. Ton devoir est lourd, et tu dois être en mesure de le porter, protéger l’héritier de la Grande Ourse, le Hokuto, est ton destin, celle de l’étoile du martyr. Shin, mon fils…” Et ainsi, le jeune garçon pu enfin recevoir les soins nécessaires à la gravité de ses blessures et eu droit à une pause méritée.
Au centre du temple, un lieu découvert abritait sur plus de cinq cents mètres un vaste jardin. Shin y vint apaiser son coeur, respirant les doux parfums des fleurs sauvages et sommeillant sous le joli bruissement des ruisseaux. La solitude lui faisait du bien, mais quelqu’un osa le troubler. Un autre jeune garçon, à peu près du même âge que lui, traînait le pas sur un chemin de terre soigneusement aménagé. Shin ne le connaissait pas, il ne l’avait jamais vu et doutait que cet enfant puisse être un disciple Nanto. Il s’empressa de lui couper la route.
– Qui es-tu ? Je ne t’ai jamais vu ici auparavant, tu n’es pas l’un des nôtres. Que fais-tu ici ?… Parles ou je te ferai goûter à l’ardente sensation de brûlure que provoque mon poing !!
D’un mouvement vif de la main, il coupa la joue du garçon, déchirant du coup les bandages qui entouraient ses doigts meurtris. Shin retirait un certain plaisir à blesser le mystérieux inconnu, un profond frisson de vengeance lui parcourait l’échine. Mais avant qu’il ne puisse donner suite à sa torture, son adversaire lui fit bien voir que son martyr ne lui était pas comparable; le poing de son adversaire sembla d’un coup se multiplier par vingt et sans même pouvoir réagir, Shin se retrouva au sol, abasourdi.
– Je ressens ta douleur, ton cœur est en colère mais tout ce qu’il réclame c’est de l’amour, celle qu’offre une mère, exprima le mystérieux garçon. Je suis semblable à toi, mais la seule façon de pouvoir guérir de ton mal est d’apprendre à faire la paix avec toi-même. Mon nom est Kenshiro, disciple du Hokuto Shinken, je ne suis pas ici pour me battre contre toi. Je viens participer au défi des 10 hommes du Nanto organisé en cette année particulière.
– Le défi des 10 hommes du Nanto ?! La fameuse épreuve au cours duquel un disciple d’une autre école doit vaincre successivement dix adversaires au risque de sa propre vie ? Mais tu dois avoir le même âge que moi, comment un enfant comme toi peut-il participer à une telle épreuve ? Tu vas te faire tuer !!
Sans donner de réponse, Kenshiro poursuivit son chemin faisant face à son destin. “Quel garçon formidable“, se disait le jeune Shin. Une grande énergie semblait entourer le garçon du Hokuto, lui conférant, malgré son jeune âge, un aura imposant.
“Attends !“, hurla le vaincu. “Je… Je m’appelle Shin, je suis l’un des 6 élus au titre de futur général Nanto. Tu sembles avoir un cœur bon, je ressens en toi l’espoir… Je prierai pour que tu ne meurs pas aujourd’hui, et j’ose espérer que tu deviennes le prochain successeur du Hokuto Shinken, pour que je puisse un jour être à ton service et te protéger. Ne meurs pas.”
En guise de réponse, le mystérieux garçon ne lui adressa qu’un sourire, mais un sourire qui en disait long sur l’amitié qui allait naître entre les deux êtres… L’amitié des meilleurs ennemis.
Izmoo